Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

58 LE PACTE DE FAMINE

Nous voyons qu’on donne à Malisset 2 sous par sac de 250 livres de grains entrant dans ses magasins et 5 sous pour le même poids de grains convertis en farine, 30 sous pour leur mouture, le prix des issues, celui du transport de Corbeil à Paris, etc. Dans tous ces. articles, rien, absolument rien de louche.

Les écrivains sérieux qui étudièrent la question des subsistances blâment ou louent l’ensemble des lois sur le commerce des grains ; ceux qui furent les plus hostiles aux vues du gouvernement attaquent le principe des prohibitions et des ordonnances, mais aucun ne songe à attaquer les moyens employés par l'État pour attènuer la disette. Herbert qui fut, par sa situation, plus à même que tout autre de connaître à fond les faits et gestes des agents du roi, avoue que l’on ne saurait donner trop de louanges à l'attention et à la bonté du gouvernement qui veille sans cesse à la conservation des sujets. « On le voit, ajoute-t-il, sur les premières apparences de cherté, prendre toutes sortes de précautions pour assurer la subsistance des provinces qui manquent, et surtout de la capitale. Il fait souvent venir du dehors, à grands frais, ce que la moisson semble avoir refusé dans des années peu favorables. C’est effectivement le seulremède à une vraie disette : mais ces soins empressés du ministère font souvent penser que le mal est plus grand qu'il ne l’est en effet. La méfiance l’augmente, et ces attentions ne sont pas toujours couronnées d’un heureux succès. — Toute opération publique sur les bleds est délicate, dispendieuse, souvent même dangereuse. Le peuple confirmé dans ses préjugés par les motifs et les formalités des ordonnances, ne voit point tranquillement un transport de grains fait avec appareil. Il n’est que trop ordinaire, dans ces temps malheureux, d'entendre crier contre les usuriers qui cachent les grains et qui les renchérissent : mais où sont-ils ces ennemis du bien public ? Peut-on faire un magasin, ou si l’on veut un amas de bleds, sans que tout le canton ensoït informé ? Le peuple n’a-t-il pas intérêt de les découvrir et de les indiquer ? Ne sçait-on pas, en tout temps, dans quelle grange, dans quel grenier, on peut trouver des grains 1... »

Toujours à l'affût des découvertes qui, en apportant un perfectionnement à la meunerie, augmentaient les ressources économiques du pays, le gouvernement. en choisissant Malisset, le protégé de Quesnay, n'avait pas agi à la légère. L’art de la mouture avait

4. Herbert. Essai sur la police des grains, pp. 63-72.