Les serviteurs de la démocratie

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de la paix. Celui qu’on appelait « le doux philosophe » n’envisageait qu'avec horreur la cession de l'Alsace et de la Lorraine. « C’est la traite des blancs qu’on rétablit, disait-il avec indignation, et vaut tout mieux qu'un tel malheur. Pourquoi n'irions-nous pas combattre dans les montagnes de l'Auvergne, du Cantal et des Cévennes et, s’il le fallait, nous y ensevelir? » On croirait entendre le fier langage d’un des compagnons de Vercingétorix, proposant de brûler une ville gauloise plutôt que de la livrer à César.

Est-il nécessaire d’ajouier que le patriote Quinet fut l'adversaire implacable du gouvernement de l’ordre moral. Il le combattit jusqu'à sa mort; et quand la dernière heure arriva pour lui, le doux philosophe recommanda à tous ses amis et à tous les républicains de ne jamais faiblir dans la lutte entreprise en faveur du droit et de la liberté. Un soir enfin sa noble et vaillante compagne, le voyant moribond, s'approcha de lui et dit: « Nous nousreverrons, n'est-ce pas, mon ami? » Edgar Quinet, souriant, répondit en lui pressant tendrement les mains: Oui, ma chère, oui, nous nous retrouverons dans la justice éternelle! »

Cette fin pleine de confiance et de sécurité était digne de ce noble esprit et fait l'éloge de ce grand cœur.