Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822
Ah LA CRISE EUROPÉENNE ET L'EMPEREUR ALEXANDRE.
sans utilité des discussions irritantes sur des matières de politique continentale. »
Cette ingérence du cabinet de Saint-Pétersbourg dans les affaires allemandes ne blessait pas seulement les cabinets de Vienne et de Berlin, dont elle contrariait les vues particulières. Le gouvernement bavaroïs, dont elle semblait appuyer la résistance à la suprématie des deux grandes cours, en éprouvait lui-même quelque impatience. Voici ce qu'écrivait le A janvier à lord Castlereagh l’envoyé anglais à Munich, sir Frédéric Lamb (1), un des agens les plus éclairés de la diplomatie anglaise :
«… Jai pris connaissance de la circulaire du gouvernement russe à ses ministres. Je ne puis y voir autre chose qu’un manifeste destiné à donner aux gouvernemens allemands l'assurance qu’ils seront soutenus dans leur opposition aux mesures de l’Autriche. La Russie attache peu d'importance à la réponse qu'elle pourra recevoir de l’Angleterre, et elle s'attend à ce que le but qu’elle a en vue soit atteint par le fait seul de la mise en circulation de ce document. Cette manière de voir a été confirmée dans mon esprit par une conversation de ce matin avec le ministre des affaires étrangères bavarois, M. de Rechberg, qui est allé jusqu’à me dire que l’objet de la Russie était de tout embrouiller, et qu’il n’était pas possible de compter sur la tranquillité de l’Europe tant que cette puissance aurait sur pied une armée aussi considérable, organisée en corps, et qu’une simple signature suffit pour metire en mouvement. Il a reconnu que la phrase du mémoire russe relative au pouvoir dictatorial à donner à la diète était dictée par une intention si évidemment malveillante, que, suivant toute apparence, elle manquerait son effet; il m'a dit en même temps que l’empereur avait décidément approuvé les mesures prises au sujet des journaux et des universités. Je crois qu’on peut en induire une distinction fondée par rapport aux sentimens de lempereur. Il veut que l'esprit révolutionnaire soit dompté, mais il est hostile à la confédération germanique, la regardant comme une arme qu'on pourrait tourner contre lui. Je ne puis m’empêcher de penser qu’il y a eu une singulière faiblesse à demander l'opinion de la Russie sur les mesures que l’on examinait à Vienne. — … La nécessité d'établir un système uniforme de constitutions en Allemagne est un motif très fondé de modifier ce qui est établi dans quelques-uns des états particuliers, et si on n’y pourvoit pas à présent, le mal ne manquera pas de se propager et de causer beaucoup d’embarras. Rechberg exprime l’espérance que l’on pourra faire quelque chose à Vienne dans ce sens; mais le meilleur symptôme d’un résultat aussi désirable, ce serait une disposition de la part de la Bavière elle-même à permettre la révision de la constitution insensée qu’elle s’est donnée. »
Cette lettre est, à mon avis, un curieux témoignage de ce qu'étaient alors les inclinations du gouvernement anglais et de ses agens en matière de politique extérieure : sauf quelques ménagemens de
(1) Le dernier lord Melbourne, frère du premier ministre.