Marie-Antoinette, Fersen et Barnave : leur correspondance
FERSEN ET BARNAVE 23
toujours dans ce vilain petit trou de Williamsbourg où nous nous ennuyons terriblement. Il n’y a pas de société du tout et il commence à faire très chaud. Nous attendons avec la plus grande impatience le retour de Lauzun pour quitter ce triste séjour. Si nous allons encore plus au sud, comme on le craint, ou plus au nord, comme nous l’espérons, sera décidé à son arrivée. Je finis, car malgré la chaleur il faut que je sorte pour le service. »
C’est plus au sud qu’il fallut aller. Son régiment est envoyé à Porto-Cabello, dans l'Amérique centrale. Là, la chaleur écrasante des tropiques s’ajoute à l'ennui de l’inaction. Et toujours pas de lettres. Les communications deviennent de plus en plus difficiles. Mais tant que la campagne durera il ne demande qu’à y rester, à ne pas quitter l’armée. Il le faudra bien si la paix est faite et que l’armée rentre en France.
Porto-Cabello, mars 1783.
« Il me tarde d’avoir de vos lettres. C’est la seule distraction que nous ayons dans ce vilain pays. Nous y périssons d’ennui; nous maigrissons, nous desséchons, nous vieillissons, nous jaunissons de chaleur. Il n’y a aucune ressource dans ce vilain trou ; on ne peut y satisfaire aucun des cinq sens, dont l’homme est doué pour s’en servir. On n’y broie que du noir, pas un trait de blanc nulle part. L'homme n’est pas