Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
ES —
Que si maintenant je poursuivais , si, passant de la théodicée à la théologie positive , de l’ordre de la raison à celui de la foi, je m'avisais de vouloir encore procéder par citations, je ne sais trop comment je ferais pour aborder certains textes. Le lecteur, qui se croit peut-être aguerri par ceux que je lui ai déjà livrés, se tromperait dans sa confiance , et il ne tarderait pas à s'apercevoir qu'il en aurait de bien plus scabreux à affronter et à supporter. Mais heureureusement que mon sujet me dispense de les multiplier sous ses yeux, et me permet de clore ici cette espèce d'inventaire de paroles impies jusqu’à la plus irrévérente dérision, jusqu'à l'impudeur. Tout ce que je puis dire en finissant, sur ce livre, c’est que, rapsodie de tous les méchants propos, qui avaient cours dans ce monde sceptique et railleur du xvin siècle, Encyclopédie au petit pied de toutes les im piétés, qui défrayaient, dans les soupers et dans les cercles, les conversations de ces esprits légers, libres et hardis jusqu'à la licence, œuvre collective du cénacle réuni chez d'Holbach, et dont l'amphytrion disait un jour à quelqu'un, qui avouait n'avoir pas encore rencontré d'athée : Vous avez de la chance , car aujourd’hui vous en’ aurez ici dix-sept à dîner ; telle est cette éhéologie portative, qu'on mit sous le nom d’un soi-disant abbé Bernier, licencié en théologie, et que Naigeon, ou tout autre de la même maison aurait bien plus justement pu placer et garder sous le sien.
J'ai un peu perdu de vue, dans ce qui précède, la personne et la vie de notre auteur, ilest temps que j'yrevienne. Bourru, de difficile humeur, de maniéres peu agréables , sans grands avantages extérieurs, quoiqu'il ne négligeit