Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux

NAPOLÉON.

PREMIER SOLDAT, Je dis que si c’était dans notre bouillie , ça lui donnerait une fameuse couleur.

LORRAIN, #neitant l’oie dans la marmite. Eh bien! gare les éclaboussures! et une place au feu , place desoldat ; rien que ça, parce qu'on ne sait pas lire. La largeur de la main entre les deux genoux. — Voilà.

PREMIER SOLDAT. Ah ça! mais d’où viens-tu , toi? tu n'es pas de l’escouade.

LORRAIN. J'arrive de l’Andalousie ; et je vous en souhaite des Andalouses.. (77 envoie ur baïser.) Je ne vous dis que ça.Quant aux hommes en Espagne, voyezvous, c’est des drôles de particuliers : des manteaux qui marchent et une épée qui relève ; — voilà tout. ‘

PREMIER SOLDAT. Ah ca ! qu'est-ce que ça mange ? Ca mange-t-il ?

LORRAIN. Ca mange de Vail au chocolat. ou du chocolat à l'ail, je ne sais pas au juste. Ca se dit noble comme la cuisse à Abraham ; ça n’a pas le sou dans sa poche; c’est sec comme de l’amadou, noir comme une taupe, — et ça fume comme un tülliau de poêle; — voilà l'Espagnol.

PREMIER SOLDAT. (est un joli peuple tout de même.

LORRAIN. Et le peuple russien , qu’estce que ça est? car il faut faire connaissance avec ses nouveaux amis...

PREMIER SOLDAT. Mais la cavalerie, ve qu’on appelle vulgairement Cosagues, c’est des chevaux avec des cordes, des lances avec des clous et des figures avec des barbes. Quant à ce que ça mange, on ne peut pas le dire, attendu que, comme on ne trouve rien dans le pays, y n’y a pas d’échantillon… LORRAIN. Et le pays par lui-même est-il agricole ?

PREMIER SOLDAT. Agréable?

LORRAIN. Oui, agréable ou agricole, comme tu voudras:..

PREMIER SOLDAT. Du tout. Par exemple, du brouillard à couper au couteau !

LORRAIN. Du brouillard , voilà une grande affaire ! J'ai été dans des peillys où les cavaliers ne se servent pas d’autre chose pour cirer leurs bottes. — C’est à cause du pôle.

PREMIER SOLDAT. Q’est-ce qu'y dit, bein ?

- pEUXIÈME SOLDAT. Je ne sais pas. Î dit le pôle.

LOrRRAIN. Pour en revenir aux Espagnols… UN SOLDAT. Ah! bah, tes Espagnols ! Un joli peuple! — Pas gai du tout.

LORRAIN. Pas gai ? — Il chante toute la journée.

UN soLpar, Quoi?

LORRAIN. Les vêpres.

UN s0LDAT. Merci.

LORRAIN. Tenez, moi, je vas vous donner une idée dau chant national. C’est l’histoire d’un vieux chrétien, brayehomme, ma parole d'honneur !... — Ecoutez, et le refrain en chœur! (4u tambour.) Voyons, donne ton /a , toi! ({ tire des castagnettes.) Et toi aussi , fifmardo! — En avant! marche !

PREMIER COUPLET. La mort a surpris dans un coin Le valeureux dun Sanche; 1j est mort la tasse au groimn, Couché sur une planche. ( Avec accompagnement de castagnetles.) Tra, tra, etc. Issu d’un aleuazil hargneux, Ti naquit en Castille, Où, dans des sentimens pieux, Sa mère mourut fille. Tra, tra, etc.

Un quart d'heure avant son lrépas, Son redoutable père, D'un petit bien qu'il n'avait pas Le nomma légataire, Tra, tra, etc.

De la disette quand le vent Soufflait dans sa cuisine, Il se régalait gravement... D'un air de mandoline. rare, (ete.

L'azur et le carmin des fleurs Brillaient à son panache; Cupidon suspendait les cœurs Au croc de sa moustache. ra, tra, etc. SIXIÈME ET DERNIER COUPLET. Celui-ci se chante le crêpe au bras et la larme à l’œil, — tenue de rigueur. Pour payer san enterrement, Ses anciennes maîtresses Ont, avec leurs bagues d'argent, Vendu leur fausses...

(Bruit de tambours.)

UN SOLDAT. L'empereur!

TOUS , se levant. L'empereur!

LoRRAIN. L'empereur? — Cré coquin ! v'là quatre ans que nous ne nous sommes vus; nous allons nous trouver joliment changés. ‘

CODCOC00 000000000000 2000000 COS SCÈNE VI. Les Mèmes, NAPOLÉON , DAVOUST , Suite.

NAPOLÉON. Bonsoir, mes enfans , bonsoir ; j'ai voulu passer cette nuit au milieu