Observations du comte de Lally-Tolendal sur la lettre écrite par M. le comte de Mirabeau au Comité des recherches, contre M. le comte de Saint-Priest, ministre d'État
le caraëtere motal de M. de Saint-Prieft ne déshonore point fon caradere politique. Ses mœurs font douces & pures, fa probité intacte & févere. J’ai la foibleffe , je avoue, de compter cela pour quelque chofe , même dans un homme public. J’admire les Lacédémoniens lorfqu'ils impofent filence à un mal-honuête homme qui leur confeille une loi fage, & lorfqu'ils ordonnent à un citoyen vertueux de faire la même propolition, afin de pouvoir l’adopter. Les Lacédémoniens n’auroient pas fait taire M. de Saint-Prieft.
À tous ces titres réunis, à l’ambaffade de Conftantinople, dans laquelle M. de Saint-Prieft a fi bien mérité de l’état, au miniltere dans lequel il a été eftimé , regretté, rappelé par la nation, M. de Mirabeau oppofe flerement le donjeon de Vincennes & fon très-long féjour dans les prifons d'état. Je fuis payé , plus que tout autre, pour croire aux accufations calomnieufes , aux détentions injuftes : mais fi la prifon n’eft pas à elle feule une preuve de crime , elle n’eft pas à elle feule une preuve de vertu. Sans doute, on peut dire : « J'ai été accufé, emprifonné , condamné ; & cepen» dant j’étois innocent; & cependant je n'ai jamais ceffé d’être vertueux. Mais celui-là feroit un étrange raifonnement , qui diroit: « L’animadverfion paternelle s’eft appe» fantie fur moi; mon époufe ma rejeté avec horreur ; » mes hôtes ont crié à la violation de l’hofpitalité; Pau» torité provoquée par ma famille, m'a féparé de la fo» ciété; les tribunaux, armés de la loï, ont profcrit ma » perfonne & Hétri mes écrits: donc je fuis un homme » vertueux, donc je fuis un bon citoyen».
M. de Saint-Prieft n’eft pas le premier miniftre populaire qu'ait dénoncé M. de Mirabeau. Nous l'avons tous entendu, au milieu de l’affemblée nationale , lors du premier rapport fait par le comité des fubfiftances, annoncer, avec folemnité | une accufation capitale contre M. Necker. Il ne s’agifloit de rien moins que d’un approvifionnement facile & peu coûteux , offert à la France par le miniftre dés EtatsUnis d'Amérique, & refufé par le miniftre François, qui aimoit mieux chercher ailleurs des approvifionnements diffciles & ruineux. M. de Mirabeau avoit les preuves toutes prêtes; il ne demandoit que 24 heures pour les ralfembier. Une lettre adreflée, par le miniltre des Etats-Unis, à un. membre de Pafemblée nationale, eft venue renverfer laccufation & cette fable mal rifue. La lettre a été montrée à M. de Mirabeau ; on lui a donné le choix de faire un defe-