Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine
252 OEUVRES POLITIQUES DE FABRE D'ÉGLANTINE
bouche de Murat : signe précieux et caractéristique du vrai patriotisme! cachet incontestable de l'élévation de l'âme, sans laquelle on n’est pas patriote! car avant d'être patriote, il faut être homme, et l’homme se distingue à la dignité de son être.
En matière d'ordre et de convenances morales, en matière de belles-lettres, Marat avait un goût sûr et même délicat, non pas de ce goût dont les nuances varient selon les mœurs et les temps, mais de ce goût fondamental qui n’est autre que l’accord de la raison et de la nature. | l
Ce goût et sa simplicité, autant que son patriotisme, lui avaient rendu odieux le charlatanisme et les charlatans de toute espèce, et surtout ceux qu’il voyait dans la tribune oratoire. Aussi ne manquait-il jamais de les apostropher et de les traiter de jongleurs, avec une amertume ef un cynisme qui, presque toujours, en comblant de plaisirs ses amis et ceux de la vérité, les frappaient encore plus d’étonnement.
Marat avait de l’orgueil, quelquefois une vanité folle, et même, si l’on peut s'exprimer ainsi, une fatuité politique. Ces défauts, dont pas un homme sur la terre n’esi peut-être exempt; ces défauts qui, modifiés de cent mille manières différentes, semblent inhérents à l’homme s0ocial, avaient néanmoins dans Marat une source louable et un principe généreux, plutôt qu’une forme séduisante. Il croyait et disait souvent « que lui seul était capable de sauver la Liberté »; mais un tel aveu, et presque toujours exprimé d’une manière tranchante,qui partait d'une persuasion intime, ne lui échappait que lorsque ses amis lui prêchant la patience, et de la mesure, n’épousaient pas son opinion hardie, ou ne demeuraient pas