Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA MONTAGNE. 269

blesse‘, ingrat envers les Polignac et la reine qui l’ont comblé de faveurs, écrivain subtil et concis, orateur élégant, académique, admiré de ses collègues qui se plaisent à l’élire président pour ses manières nobles, conciliantes, et sa beauté. Ses contemporains ont remarqué l’art avec lequel l'Alcibiade du parti montagnard savait déguiser sa pensée, concerter ses desseins, varier ses tons ef ses effets ; Barbaroux l’appelle l’ermaphrodite révolution naire, moitié personnage de Crébillon fils, moitié sansculotte ; Saint-Just lui reproche de se montrer grave à la Convention, bouffon ailleurs, de rire sans cesse pour s’excuser de ne rien dire. Paganel qui semble le louer d’avoir ménagé toutes les opinions et pris à propos les couleurs de chaque parti, discerne deux traits dominants de cette nature : la paresse, l'amour des femmes. Ses discours à la tribune, ajoute-t-il, ses travaux dans les comités, étaient autant de victoires qu'il remportait sur lui-même, autant de larcins sur ses plaisirs. Hérault prodiguait une vie qui ne lui promettait que de courtes jouissances. « Il faut, disait-il, être du parti qui se f... des deux autres... » Et plus tard : « De sinistres présages me menacent; je veux me hâter de vivre; et

4. Il fait songer parfois à ce sceptique de l'antiquité qui préférait tout le monde : « Mihi Galba, Otho, Vilellius, nec amicitia, nec odio cogniti »; ou encore à cet émule de Montaigne qui formulait ainsi son nonchalant égoïsme :

Avoir bien plus d'amour pour soi que pour sa belle, Être estimé du prince et le voir rarement...