Orateurs et tribuns 1789-1794
L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA MONTAGNE. 301
d’hui encore la Révolution demeure l’écueil des conjectures et que les plus nobles esprits se demandent avec angoisse s'ils assistent à son triomphe ou à sa banqueroute; qu'en présence du centenaire, ils aient répudié lapothéose et plus modestement convié la nation à une absoute solennelle avec panégyrique; que la statue demeure voilée jusqu'ici, nous faisant douter si le sculpteur a fait œuvre durable ou éphémère; que les historiens des hommes de 93 aient confondu leur cause avec celle des hommes de 89, les embrouillant si bien qu'on n’a plus vu que l’une était justement le contraire de l’autre ; qu'ils aient bénéficié de l'enthousiasme créé par l'œuvre de la Constituante et de Louis XVI, rien de plus évident. Oui, c’est la nation entière, c'est le paysan, le bourgeois qui furent grands et sublimes lorsque, incorporés dans les vieilles troupes de la monarchie, soldats improvisés, conquérant leurs grades au pas de charge, ils luttèrent contre l’Europe et triomphèrent; mais il faut aussi rendre justice à ces fanatiques qui, du fond d’un cabinet, au prix d’un travail surhumain, envoyaient des balles, de la poudre, des vivres aux armées, qui confirmaient les jeunes généraux désignés par la victoire et ne désespéraient pas devant la moitié de la France insurgée, devant la coalition des vieilles monarchies.
Demander à ces hommes d’avoir de l'esprit, serait chose absurde et chimérique. Sauf de rares exceptions, leur éducation, leur caractère, tout les en éloignait : ils eurent la fièvre, ils eurent Le délire, et comment