Paul et Bonaparte : étude historique d'après des documents inédits

PAUL ET BONAPARTE. 657

des ratifications. Seuls ces trois articles intermédiaires contenaient des clauses d’une réelle importance, conçues d’ailleurs dans un sens conforme aux préférences de la Russie. On convenait que les ports des deux États seraient ouverts aux bâtiments de l’un comme de l’autre, mais que le commerce s'y ferait d’après les tarifs et les règlements en vigueur ; que les Russes en France et les Français en Russie pourraient librement séjourner à la condition de se soumettre à la juridiction locale et, en cas de contravention, d'être jugés et punis selon les lois du pays. Il n'était pas question dans le projet ni du renouvellement du traité de commerce de 1797, ni d'émigrés, ni de Polonais (1).

Ces conditions que le chancelier prince Besborodko qualifia de « parfaitement modestes et convenables », ne satisfirent pas le comte Panine. Sans insister sur la médiation russe pour la paix séparée que la France était en train de négocier avec l'Autriche et l'Angleterre, il exigea, contrairement à ses instructions, la reconnaissance de eette médiation pour la pacification avec lempire germanique. Caillard s'y étant refusé, Panine lui déclara « que le but de sa cour en condescendant aux vœux du Directoire pour le rétablissement de la bonne intelligence était manqué aussitôt qu'il déclinait l'intervention de Sa Majesté impériale dans la pacification générale et qu’ainsi l'état de la question étant changé, ses pouvoirs se bornaient à prendre ad referendum toutes Les propositions du plénipotentiaire français (2). »

À Pétersbourg, l’impératrice avait dès le début témoigné son mécontentement de voir le cabinet russe se commettre par une négociation directe avec la France. Ses amis ne cessaient d'exprimer à haute voix la crainte que leur inspirait une accointance avec les républicains. On essaya de la faire partager à l'empereur et on y réussit jusqu’à un certain point, profitant de l’irritation que lui avait causée l’arrestation par les autorités françaises du sieur Zagoursky, agent consulaire russe à Zante. Paul examina lui-même le projet de traité communiqué par Caillard, puis il ordonna à Besborodko d’expédier à Panine un long rescrit exposant les objections qu'il trouvait à y faire. L'empereur ne voulait pas que dans le texte du traité on parlât de paix, attendu qu'il n'était pas en guerre avec la France, ni d'amitié, parce qu'il n’en-

(1) Le comte Panine à Paul, le 10 septembre 1797.

(2) Le comte Panine au comte Simon Woronzoff, le 19 novembre 1797 (Archives du prince Woronzoff, XL, p. 5).