Portalis : sa vie, et ses oeuvres

AVOCAT 7

Les magistrats se montrèrent aussi peu tolérants que les philosophes. Le compliment d'usage, que le premier président adressait aux jeunes avocats après leur première plaidoirie et que les gens du Roi requirent pour Portalis, lui fut refusé par le Parlement. « Au sortir de l'audience, un vieux pra» ticien voulut le consoler, et lui dit : Vous avez plaidé » avec esprit; mais il faut changer votre manière qui » n’est pas celle du barreau. — Monsieur, répondit le » jeune homme, qui avait la conscience de ses forces et » qui jugeait son siècle, c’est le barreau qui a besoin de » changer d’allure, et non pas moi !. »

Cette réplique d’un avocat de dix-neuf ans n'eût été que présomptueuse, si un talent exceptionnel ne l'avait excusée. Le jeune jurisconsulte que les magistrats traitaient, à son début, avec tant de froïideur devait démentir complétement leurs pronostics. Sa raison précoce, le charme de sa parole et la douceur de son caractère lui avaient conquis, tout d’abord, de précieuses sympathies qui le consolèrent des rigueurs du Parlement. Siméon, jeune comme lui et comme lui disciple ardent de la nouvelle école juridique, lui voua, dès cette époque, une amitié qui ne se démentit jamais et que devait bientôt cimenter une étroite alliance *. Rivaux d’éloquence, ces deux jeunes et courageux lutteurs ne tardèrent pas à vaincre les préventions des anciens avocats. Les jurisconsultes les plus renommés du barreau d'Aix, Colonia, Pascal, Pazery, se déclarèrent

4. Notice de M. le comte Portalis, page 4. 2. Portalis épousa, peu d'années après, la sœur de Siméon.