Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits

fut entièrement l'ouvrage de ceux qui s’emparèrent des cartons où étaient déposés les billets de suffrages.

Dès que le public eut connaissance de sa composition, les bons ciloyens furent entièrement découragés. On sentit que la plus parfaite innocence, que les verLus les plus austères ne seraient pas un titre pour échapper à la condamnation. Les juges n’inspiraient que la terreur. Les uns avaient des moustaches hideuses, des pantalons, des bonnets rouges, un énorme sabre sous le bras ou posé devant eux; d’autres, des cheveux épars, une longue barbe, la pipe à la bouche; quelques-uns, des verres et des bouteilles entre leurs jambes, et presque tous, les bras nus, la poitrine débraillée, un air sauvage, les yeux égarés, la bouche écumante de rage, les furies dans la tête ou dans le cœur. Toute espérance disparaissait à la vue de ces furieux altérés du sang de leurs concitoyens. Tel était l'extérieur de ces citoyens qui devaient juger des pères de famille, des magistrats dont la vie était irréprochable; tels étaient les citoyens qui avaient en leur puissance les destinées d'une ville ancienne, riche et florissante.

Ce tribunal, après s'être occupé de sa police, osa invoquer l’Être suprême, ce Dieu de bonté et de justice, et prendre l'engagement de n’avoir aucun égard aux sollicitations; c’est-à-dire qu'ils juraient de rompre avec les liens du sang et de l'amitié, de se sacrifier mutuellement leurs connaissances et leurs amis. Cet acte d'hypocrisie n'ajouta rien au mépris qu'il inspirait. Ensuite il travailla à des listes de proscription qu'il divisa en trois classes. Toutes les accusations qui servaient de fondement à ces listes étaient si générales, si vagues