Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits

avait été le défenseur des droits du peuple, et ses principes n'avaient pas varié. Une naissance distinguée, une jeunesse brillante, une éducation soignée, une loyauté et un courage peu ordinaires, des vertus républicaines, des qualités du cœur et de l'esprit qui le rendaient cher à ses parents et à ses amis, enfin les talents naissants d'un homme d'état; voilà De Rochemont. Il était fils unique et Ja seule consolation de la vieillesse d'un père que les révolutionnaires venaient de destituer d’une place où, depuis plusieurs années, il servait la République avec la plus grande distinction. Que de titres pour être épargné par les panthères à face humaine! Toutes ces considérations se présentaient à l'esprit comme malgré soi, et agissaient de même sur ceux des juges quine se trouvaient pas entrainés par une aveugle fureur. A la vérité, les quatre autres étaient bons pères, bons maris, bons citoyens, et aussi innocents que les magistrats; mais les vertus privées n'ayant pas l'éclat des vertus publiques, ils furent làchement sacrifiés par les timides.

La moitié d’une nation éclairée et recommandable par ses vertus sociales, condamnant à des peines capitales des citoyens, dont la conduite sage et modérée ôtait à leurs implacables ennemis les moyens de les citer pardevant un tribunal de police, présente à l’univers un si horrible spectacle, qu'il ne s’effacera jamais de la mémoire de quiconque en a été témoin. Ne fouillons pas les annales des peuples les plus féroces pour y puiser des exemples qui en diminuent l’atrocité; car nous n’y trouverions rien qui pût se comparer à ces actes tyranniques. Des peuples ont pu s’égarer, être injustes et même cruels; mais c'était l’effet d’une provocation ou d’une