Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

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€ Mais ça, parlons de vous. Vous ne dérogez point ?

« Vous soutenez, j'espère, une origine illustre ?

€ — Vraiment de nos ayeux nous partageons le lustre.

€ — Sans doute en imitant ce qu’ils ont fait de beau ?...

« C’est fort bien. De vos faits tracez-moi le tableau;

« J'écoute. — Nos ayeux... — Eh oui, je sais, de reste

« Que leur instinet sauva Rome d'un joug funeste :

« Mais vous, messieurs, mais vous ? — Nos ancêtres... —

[Fort bien,

« Mais vous, quels sont vos droits? Qu'avez-vous fait? [Nous ?.. Rien. »

Si je voulais mater les insolentes joies

De tant d’oisons sans plume, aux airs pleins de hauteur

Quel texte à commenter !... Chut, indiscret censeur !

Le temps présent est l'arche du Seigneur :

Ne faites pas crier les oïes.

Cette attaque à la classe qu'on a depuis baptisée du nom de Fils des croisés ne pouvait pas déplaire à Bonaparte dont l'ambition eroissait chaque jour.

Rouget ne désespérait pas d’être rappelé dans les rangs de l’armée, il comptait sur sa loyauté. On pourrait dire : Le pauvre homme ! il ne pouvait croire aux sentiments égoïstes de l’ambitieux qui ne recherche pour son entourage que des hommes pervers, vendus ou prèts à se vendre. Bonaparte aimait mieux des gens compromis ou tarés pour lui faire la cour, que des hommes qui avaient toujours suivi le sentier de l’honneur, et toujours prèts à lui mettre sous les yeux le miroir de la vérité.

C’est avec une naïveté, honorable assurément, que Rouget lui adressa la lettre suivante à la date du 29 vendémiaire an IX.

De vagues bruits de guerre circulaient sur la reprise des hostilités. Le Directoire avait fait un emprunt forcé de 400 millions en juillet et décidé la levée des hommes