Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

LS —

Puis, reprenant ses sens et s’essuyant les yeux :

« Quoi, je ne suis pas mort ! Est-il possible, ô Dieux ! « Quoi, c'est vous, Béranger, qui me rendez la vie!

« Comment, pourquoi, par qui, ma trace fut suivie ?

« Ah! que ne pouviez-vous me laisser expirer !

€ D'un sort dont je rougis j'allais me délivrer.

€ Sans me tuer, pourtant, j'aurais cessé de vivre; « J'échappais aux tourments qui semblent me poursuivre, « Repoussé parles miens, abandonné du sort,

« Pour fuir le déshonneur je courais à la mort. » « — Rouget, le désespoir doit fuir une grande âme. « Que la sainte amitié pour vous soit un dictame, « Un doux palliatif, un baume souverain,

« Qui cicatrise aussi votre profond chagrin.

« La France fut ingrate et la gloire française

« Oublia trop Rouget qui fit a Marseillaise.

< Comme nos libertés vos chants sont immortels,

« Rome vous eût jadis élevé des autels.

« Allons, relevez-vous, surmontez votre peine,

« Confondez, en vivant, l’ingratitude humaine,

« Lache est le désespoir. Pour notre honneur, enfin, « Rouget ne peut mourir de honte ni de faim. » La foule grossissant pleurait, ne pouvait croire

Que fut si malheureux un homme dont la gloire Aida par un élan la Révolution,

Soutint, dans ses combats, la grande nation

Qui brisait ses liens, proscrivait l’esclavage,

Et qui mettait un frein aux lois du moyen âge. Chacun se découvrit, admirant à la fois

Le chantre des combats, le chansonnier des rois. Chacun se demandait pourquoi l'indifférence,

Trop souvent est le lot, la seule récompense

Du chercheur, du poète ou du méditateur

Qui lutte par l'esprit pour le commun bonheur.

Pour l'homme supérieur la routine est marâtre : Alors on rappela Gilbert et Malfilâtre,

Hégésippe Moreau, leur sort, leur sort brutal,