Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt
30 J. CART
31 décembre : « Notre allié (l'Empereur) a déjà pris ses quartiers d'hiver tandis que nous pressions la place que nous voulions avoir, et cela un jour où le froid était à 12 degrés à Ockzakoff. On dit qu'en tout nous n'avions que 27.000 hommes, y compris le corps de réserve qui n'a rien fait. Six colonnes ont attaqué la forteresse en six endroits à la fois. Les Turcs ont d'abord fait une furieuse résistance au point que, dans les tranchées, ils jetaient les alfûts des canons sur les assiégeants, qui ne s'en embarrassaient pas le moins du monde, car c'était justement la fête de saint Nicolas, patron des Russes.
« En montant à l'assaut, tous nos soldats criaient, à la fois : « Notre père saint Nicolas, aide-nous! », puis, ils sont allés au combat comme des forcenés. Le résultat de tout cela, c’est que 7.000 Tures sont restés sur la place et que 12.000 ont été faits prisonniers, ainsi que le pacha qui les commandait. Plusieurs des colonnes russes ont perdu leurs chefs, le prince Wolkonski et le genéral Gruitsch. On compte environ 100 officiers tant blessés que tués ; on ne parle pas du nombre des soldats, mais il est à croire que la victoire aura été plus sanglante que le rapport qu'on en a fait. »
1782, 23 février : « Tous nos militaires sont revenus maintenant de l'armée. J'ai vu le général Souvarolf qui a beaucoup fait parler de lui et qui, réellement, est une figure à voir. Tout en lui est en mouvement. Sa figure peint son intérieur. Je ne me fierais pas à sa prudence, mais il a l'air d’un coup de main personnifié. Hier matin, on a conduit les trophées pris aux Tures à la forteresse. Un détachement des gardes à cheval était chargé de ce soin. Il y avait plus de 150 drapeaux dont la plupart étaient déchirés et tous ces croissants formaient un beau spectacle pour les Russes. On a porté aussi plusieurs bâtons avec des queues de cheval qu'on a coutume de porter devant les pachas, comme marques de leur dignité, Il y avait un grand étendard fond vert qu'on disait être celui de Mahomet, pour la perte duquel les Turcs s'étaient tant lamentés. »
16 mars : «Il y a actuellement ici (Saint-Pétersbourg) plusieurs Espagnols et Portugais qui tous se sont trouvés au siège d'Ocksakoff. Je n'ai pas encore vu les prisonniers turcs qu'on a amenés ici, mais on dit-qu'à l'exception du pacha, qui a un peu l’air d'un homme de condition, tous les autres ont très mauvaise mine. On les a présentés à la cour dimanche et l'Impératrice leur a parlé avec bonté. En