Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt
SOUVENIRS DE RUSSIE 33
ciers turcs ont été hachés en pièces. Leur première décharge a étendu 600 de nos grenadiers sur la place ; les autres sont devenus furieux ; les échelles n’ont pas suffi à l’ardeur des assaillants, la plupart se sont servis de leurs baïonnettes pour monter à l'assaut; on a jeté les fusils et on s’est battu au sabre de rue en rue. 41.000 Turcs sont restés prisonniers, et 2.000, à ce qu’on assure, sont restés sur la place. Lorsque le carnage eut cessé, le général Souvaroff se prosterna trois fois pour rendre grâces au Dieu des armées ; puis il se retourna du côté de ses troupes et se prosterna de même devant elles en disant : « C’est à vous, mes amis, que je dois la victoire. » Tous applaudirent et lui jurèrent de le suivre à travers le feu s'il l’ordonnait. Nous sommes dans ce moment ivres de Joie et nous voulons avancer coûte que coûte. »
Le 11 mars : « On nous a raconté des horreurs de la prise d'Ismaila. Rien n'est plus barbare que nos troupes quand une fois elles ont pris le mors aux dents, et leurs officiers ne peuvent pas toujours empêcher leur férocité. Les femmes et les enfants mêmes n'ont pas été épargnés. « Cet enfant deviendra un Turc ; cette femme fera des Turcs »; c'était leur réponse, et les malheureux étaient hachés en pièces. On a trouvé des Tures quiavaient jusqu’à sept coups de baïonnette dans la poitrine. 3.000 Zaporaviens ont été employés pendant trois jours à déblayer les rues des morts, et les bords de la rivière étaient si chargés de cadavres qu'il fallut aller jusqu’au milieu, ou beaucoup plus haut, pour trouver de l’eau salubre, et que nombre de barques remplies de soldats n'étaient occupées d'autre chose pendant plusieurs jours qu’à mettre les cadavres au courant de la rivière avec des crocs et de longues perches. »
Le 17, à un grand diner chez le comte Czernicheff, se trouvaient les hommes qui s'étaient le plus distingués dans la guerre, tels que le prince Potemkin et le comte Souvaroff, déjà fameux par plusieurs victoires et surtout par l'avantage de n'avoir jamais été battu. Mie L, parle encore de ce dernier dans les termes suivants :
« C'est un original sans copie et qui est adoré de ses soldats, À l'attaque de Kinburn, la première entreprise des Turcs dans la guerre actuelle, ses officiers lui conseillèrent d'empêcher leur débarquement. Lui, qui voyait qu'on pouvait tous les prendre en les coupant de leurs bâtiments, refusa cette mesure. Cependant l'attaque des Turcs fut, comme à l'ordinaire, si violente que les Russes
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