Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

_— 99 —

autre genre de péril : elle était parcourue par des troupes de brigands, qui faisaient main-basse sur tous nos écloppés. Pendant les 24 heures que nous restâmes dans cet abominable repaire, nous souffrimes toutes les misères imaginables. A chaque instant nous trouvions de malheureux soldats français mutilés, égorgés ; quelques-uns enterrés vifs, après avoir été complétement dépouillés. Ces meurtres sauvages, aussi lâchement consommés, exaspéraient nos hommes, qui ne voyaient que heure et le moment de se venger de telles atrocités. En sortant de la forêt, nous atteignimes un village, situé à une demi-lieue des frontières du Portugal, mais seulement avec la moitié de nos hommes, ce qui ne laissait pas de nous donner la plus grande inquiétude. Les troupes françaises avaient eu, du reste, les mêmes misères à supporter, et leur situation était encore pire que la nôtre.

Au moment où j'allais quitter le sol espagnol, je ne pus m'empêcher de plaindre une population qui alors était encore si arriérée en fait de civilisation. Dans les ménages des villes où nous passions, les choses usuelles en Suisse manquaient