Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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l’envi des fêtes. Le célèbre Garat, les belles cantatrices Colbrand, Catalain et Duchand y apportaient le tribut de leurs ravissantes voix. On se quittait bien avant dans la nuit, et l’on se retrouvait une heure après au bal de l'Opéra. Les princes de SaxeCobourg, Czernichew, les aides de camp de l’empereur de Russie, suivaient alors ces réunions avec tout l’empressement d'étrangers sevrés depuis longtemps du plaisir de voir la France. Les hommes se rendaient au bal avec leur costume de ville; les femmes seules étaient vêtues de dominos noirs ou roses. Grâce à ce déguisement, les intrigues les plus graves et les plus folles à la fois trouvaient à se déployer. La diplomatie amoureuse et la diplomatie politique se servaient l’une à l’autre d’auxiliaires. Telle dame, que l’on connaissait à peine de vue dans le grand monde, se faisait un malin plaisir de vous attaquer et le cavalier, sans avoir même le temps de pousser un soupir, se trouvait en bonne fortune. Ces rencontres se terminaient habituellement dans les mystérieux cabinets de l'hôtel d’Archambault.

Pendant le jour, tous les illustres hôtes que j'ai nommés venaient chez le maréchal Ney dont les salons étaient continuellement remplis par les Flahaut, les Canouville, les Colbert, et ornés des plus jolies femmes de la Cour. Nous allions aussi fort souvent aux cercles de l'Empereur. Ils étaient des plus splendides. Je n’oublierai pas le bal où vingt-quatre dames figuraient les vingt-quatre