Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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levée tout entière comme un seul homme; que des juntes d’insurrection appelaient la population

aux armes; que les Anglais, toujours prêts à profiter de nos malheurs, avaient débarqué à Cadix et à Lisbonne; enfin, il me semblait entendre sur tous les points de la Péninsule le tocsin sonner contre les Français. Un courrier ne tarda pas à venir m'apprendre le départ précipité du maréchal Ney pour l'Espagne et à m'apporter l’ordre de me rendre sur la frontière auprès de lui.

Nous étions en août. Le général Dupont venait d'être enveloppé par Castaños dans les défilés de Baylen et la capitulation honteuse du 22 juillet avait suivi cet événement. Le roi Joseph, à peine entré dans sa capitale, s’était vu obligé de la quitter et de se retirer sur Vittoria, où notre armée défaite se replia. Menacé par l’ennemi qui le débordait en manœuvrant sur ses deux ailes, le roi perdait chaque jour quelque partie de son royaume. Ce fut alors que le maréchal Ney entra en Espagne.

Déjà, différents passages dans les Pyrénées avaient été marqués par des assassinats, celui de Mondragon surtout; tout homme isolé qui traversait ces routes périlleuses succombait. Le duc d'Elchingen ayant fait éclairer sa marche par des voltigeurs, ceux-ci ramenèrent des bandits armés que le maréchal fit pendre aux branches des arbres bordant la route. Ainsi, comme pour donner une idée de la guerre acharnée que nous allions entreprendre, cette Espagne, si vantée et si belle, nous