Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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cette époque les salons du maréchal, se trouvait un jeune Américain de fort bonne mine et propriétaire de deux bâtiments de commerce alors en relâche à Vigo. La neutralité de ces navires avait été respectée par les Anglais et par les Français. Tout, dans les manières de ce jeune homme, dans son langage et dans ses sympathies politiques, indiquait la France; aussi se fit-il connaître : il se nommait Périer (1).

Le maréchal Ney eut la pensée de faire battre monnaie pour payer la troupe. Il s’empara des candélabres des églises, les fit fondre en lingots; puis, il forma un convoi de mulets sous l'escorte de l'officier d'état-major Bonami, pour être dirigé vers la France. Ce convoi avait déjà parcouru une longue route et était parvenu près de la frontière, lorsqu'un officier d'infanterie, commandant d’une petite place, s’opposa à son passage. L'ordre, signé par le maréchal Ney, ne lui parut pas admissible; c'était l'ordre du maréchal Jourdan qu'il exigeait. Rien ne put faire fléchir la détermination de cet officier; il saisit le convoi et l’envoya à Jourdan qui le jugea de bonne prise.

Cependant Ney entrevoyait de plus en plus l'impossibilité de réduire l'insurrection dans cette province de Galice, dont le territoire isolé du centre de l'Espagne, coupé de bois et de torrents, offrait tant de ressources aux habitants du pays. Il

(4) On m'a dit depuis que c'était Casimir Périer de glorieuse mémoire, né à Grenoble en 1777, mort en 1832 (Note de l'éditeur.)