Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

282 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR

chal me dit : « Quelles relations avez-vous avec Mme de Valdahon, et pour qui est la lettre qu’elle vous à remise? Je n’entends pas que vous soyez porteur de lettres semblables, donnez-la-moi. » « Monsieur le maréchal, cela ne se peut, lui dis-je, c'est une lettre cachetée, peut-être un secret de famille; cela ne se peut absolument : c’est une lettre de Mme de Valdahon pour son mari. » « Donnez-la-moi; donnez-la-moi, je le veux. » Une querelle s'engage; le maréchal s’'emporte, il saisit la lettre et, sans la décacheter, la déchire, puis jette les morceaux à ses pieds. J'étais gonflé de rancune. Loin de là, après un long silence, nous voyons encore approcher au relais de nombreuses populations criant « Vive l'Empereur! Vive le maréchal! » et entourer la voiture. « Eh bien! me ditil, n'est-ce pas là le sentiment national? » Encore tout animé par la scène qui venait d’avoir lieu, je m'égare au point de dire : « Vous ne pouvez être approuvé que par la canaille. » Ce mot exaspère le maréchal; il fait arrêter la voiture et me dit : « C’en est assez, descendez. » Je mets pied à terre, le maréchal s'enfuit, et je reste seul sur la route. Une demi-heure après, arrive la deuxième voiture dans laquelle est Dutour. « Eh bien! me dit-il, qu'est-il donc arrivé? » — « Rien, rien, dis-je, je crois qu'il à perdu la tête », et je remonte avec lui.

A Dijon, toute la garde nationale, dont tous les chefs appartenaient à la famille Maret, était sous les armes à la porte de l'hôtel du maréchal. Je des-