Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

ÉCOLE DE METZ. — CAMP DE BOULOGNE 23

je pourrais leur prouver que j'étais digne de les commander; j'attendais en silence le jour du combat où je saurais mériter leur confiance.

C'était devant eux que j'avais à lire la célèbre proclamation. Bonaparte, on le sait, s’y comparait à Charlemagne, et le Premier Consul, par une précaution oratoire encore nécessaire, s’y disait /’Empereur de la République.

Je me rendis sur le front de chaque camp avec tout l'appareil que comportait la solennité d’un pareil acte et je lus d’une voix émue. Un morne silence régnait d’abord; puis des officiers et soldats sortaient des rangs : « Nous nous sommes engagés volontairement, disaient-ils, pour détruire la royauté et la tyrannie! Depuis quinze ans, nous combattons au nom de la liberté... Aujourd'hui que signifie l'Empereur? C’est un nouveau tyran. Puisqu’on veut rétablir la tyrannie, tous nos travaux sont perdus. » À ces mots, ils remettaient leur sabre dans leur fourreau et s’éloignaient du camp.

L'ordre était donné d'envoyer leur congé à ceux qui n’accepteraient pas le gouvernement nouveau; mais nos vieux républicains ne purent longtemps résister à l'ivresse générale : ils reprirent presque tous du service.

Une dernière douleur leur était réservée à Boulogne même. Napoléon y vint et une magnifique cérémonie eut lieu, le 16 août 1804, pour la distribution des décorations de l’ordre de la Légion