Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
1815 — NEY, LE « BRAVE DES BRAVES » 393
position, ait quitté le maréchal un peu avant son départ pour Besançon? Ney se fût abstenu sans doute de prononcer la fatale proclamation! Cependant, malgré cette vivacité, le maréchal avait un bon cœur : il ne conservait aucun ressentiment et était toujours le premier à revenir et à pardonner. Résigné d'avance au sort des batailles, la mort de ses officiers l’affectait peu; ce n’était pas par insensibilité, c'était par habitude de voir mourir et de regarder comme d’une faible importance la mort d’un homme en présence des grands intérêts de la nation.
Il ne gardait rien pour lui; ses propres deniers soldaient les officiers. Si on lui parlait d’un besoin d'argent, il renvoyait à son intendant, qui payait. Lorsqu'il venait d’être élevé au rang de prince de la Moskowa, je lui fis observer qu’il était moins riche que moi, et qu’il devait songer à ses enfants. « Qu'importe, me répondit-il, la France est là : elle y pourvoira et n’abandonnera pas ma famille. »
Le maréchal était patriote, mais dans la véritable acception du mot. Soldat de la Révolution, il n'avait vu, après l'abolition de la royauté, que sa patrie et son pays; les chefs du gouvernement étaient à ses yeux des choses secondaires.
Les rênes de l'État avaient passé devant lui six fois dans des mains différentes; il s’en inquiétait peu : il servait toujours la France, quelles que fussent les personnes chargées de la gouverner. Il me témoigna un jour son indignation sur la dé-