Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 149

l'esprit ». Ce n’est pas plus malaisé que d’être belle ; pour ceci, comme pour cela, il y a des dons naturels: mais, avec du soin, de la vigilance, on remédie aux imperfections de l’une et de l’autre sorte. Juliette était d’abord jolie : elle le resta. Et, lorsqu’en outre il fallut montrer du zèle etde l'entente pour les choses de la littérature, elle accepta résolument cet exigeant caprice de l'heure et se tira très bien d’affaire, Les jeunes femmes qui donnaient le ton «n’étaient plus folles de la danse et ne trouvaient presque plus de bon genre d’en afficher le goût décidét», Ces façons graves avaient eu leur commencement lors des désastres de la campagne de Russie; ensuite, les événements qui bouleversèrent la France eontinuèrent d'imposer à la vie mondaine un caractère élégamment sérieux.

On emplaça les bals par des lectures. M. de Forbin, par exemple, lisait des nouvelles de lui; et, comme il avait du talent pour la peinture, on ne l’approuvait pas unanimement de vouloir encore écrire. Cependant, on l’écoutait volontiers, parce qu’ « une histoire d'amour et de passion, contée avec quelque chaleur, ne peut manquer de faire plaisir, si pour l'entendre on se trouve réunis en société choisie, dans un joï salon, bien éclairé, et qu’une conversaton où chacun remonte les cordes de l'instrument qu’il fera résonner doit terminer autour d’une table à thé cette sorte de soirée académique ».

1. Mémoires d: Madame de Chastenay, publiés par M. A. Ro 8EROT (Paris, Plon, 1896), tome II, p. 224.

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