Trois amies de Chateaubriand
164 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND
Le 20 mars de cette même année 1819, il est plus heureux; il tient et communique cette petite lettre : « Vous aimer moins? Vous ne le croyez pas, cher ami. À huit heures. Ne croyez pas à ce que vous appelez des projets contre vous. Il ne dépend plus de moi, ni de vous, ni de personne de m'empêcher de vous aimer; mon amour, ma vie, mon cœur, tout est à vous. 20 mars 1819, à trois heures après-midi. » En marge, et de la main de « l'observateur », ces mots : « Lettre de Mme Récamier ».
C'est la seule lettre d'amour, de vrai amour, que nous ayons de Juliette. Elle a suivi, avant d’arriver jusqu’à nous, un triste chemin : — et Chateaubriand ne l’a peut-être pas reçue!.… Il en a reçu d’autres; et ne le plaignons pas. Mais celle-ci, lettre d’amour que le bien-aimé n’a pas lue, a quelque analogie avec la Juliette qu’il y avait jusqu’à la quarantaine, jusqu'aux ferventes cachettes de Chantilly. Et — sauf le respect qu’on doit, je pense, à l'honnête banquier de la Chaussée-d’Antin — l « observateur », je le compare à M. Récamier, lequel posséda un trésor qui n'était pas fait pour lui, le contempla et n’en profita point.
Cette lettre d'amour, la belle main Fa écrite bien vite; les phrases, courtes, se précipitent. La belle main tremble et aussila tendre pensée frissonne; les idées, pour se dépêcher mieux, se font toutes petites et courent, avec peu de mots : l’une, pourtant, s’épanoutt, c’est le serment d'amour et la solennelle pro-
messe.