Trois amies de Chateaubriand

232 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

nui qu'il était offert comme une proie heureuse à toutes les séductions.

À Rome, il était assez attentif à la comtesse del Drago; et, par son jeune attaché d’ambassade, le vicomte d’Haussonville, il lui envoyait des bouquets. En outre, il correspondait, fréquemment et bien tendrement, avec une marquise de V..., qui, d’un chàteau du Vivarais, lui adressait des lettres d'amour et appelait « ami chéri ». Mais le Vivarais était loin; et, la comtesse del Drago, qu’en savons-nous?.…. [Il aurait bien voulu que vint Juliette; et Juliette ne venait pas. Bref, il languissait, dans un grand marasme du cœur.

Il avait soixante et un ans, étant né en 1768. Mais il avait cru longtemps qu'il était né en 1769; et cette incertitude lui avait laissé le goût de se croire plus jeune qu'il ne l'était. Et puis, si l’on trouve qu’il avait l’âge d’être raisonnable, il ne l’était pas, voilà tout.

Or, un jour d'avril 1829, une jeune femme vint à l'ambassade. Elle s'appelait Hortense Allart!. Elle apportait, pour être bien reçue, une lettre de la séduisante Mme Hamelin. D'ailleurs, elle avait lu, pour la circonstance et avec quelle hâte assidue, Atala; et elle en était charmée. Hortense fut reçue, et bien reçue : elle possédait, pour cela, mieux qu’une lettre de la petite créole, sa beauté, son agré-

1. La plupart des documents relatifs à Hortense Allart ont été découverts et publiés par M. Léon SÉCHÉ, Hortense Allart de Méritens (Paris, 1908)«