Trois amies de Chateaubriand

HORTENSE ALLART 269

peu d’insolence à penser à me loger aussi près de vous. Vous me trouvez donc bien vieux? » Puis, il accorde qu’il est vieux : ce n’est pas tant l’âge que — rions un peu — « la nécessité de réfléchir constamment... » Pauvre Béranger! Comme il prit au sérieux sa littérature! D’ailleurs, ses contemporains sy trompèrent, ainsi que lui. Enfin, le voici « vieilh de bonne heure », avoue-t-il… Et « adieu, séductrice!.. » Il n’alla point à Florence; il fut timide et circonspect.

Quand Hortense fut de retour à Paris, pour Chateaubriand qu’elle aimait, elle ne manqua pas d’aller voir Béranger, qui était alors à la Force. Et bientôt, ayant renoué des relations amicales, elle s’occupa d'utiliser Béranger pour Chateaubriand. Elle lui écrivit. Afin de le séduire à son idée, elle lui dit, avec entrain, tout le bien que pensait de lui M. de Chateaubriand. Sans doute, en souriant un peu, songeait-elle à ces desserts de l’Arc-en-Ciel, où lauteur du Génie du Christianisme lui chantait Le Dieu des Bonnes Gens. Donc, Chateaubriand admirait Béranger. Celui-ci, assez fin, ne s’y trompa guère; modeste, il devina qu'Hortense prêtait ses opinions à lillustre écrivain. Cependant, il professa qu'il avait les plus grandes obligations littéraires à ce grand homme dont il subissait l’influence. Quoi? Béranger, l'influence de Chateaubriand? N'importe. Et l’on aime à se représenter les deux amoureux d'âge inégal, Hortense et René, lisant à l’Arcen-Ciel, la lettre maligne et modeste de Béranger.

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