Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

90 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

Aux premiers jours du printemps de 1792, le marquis de la Rouërie se trouvait donc prêt à l’action : il était urgent de brusquer l'entrée en campagne, car, quelque grand que fùt le mystère dont on entourait les préparatifs, une si vaste intrigue n'avait pu demeurer secrète, tout le pays étant, en quelque sorte, dans la confidence. Certains officiers municipaux se montraient hostiles aux projets du marquis et voyaient grandir sous leurs yeux une conjuration qu'ils auraient volontiers dénoncée ; mais à qui? La monarchie existait encore de fait, el il n'était pas possible de traiteren factieux un homme qui se préparait à lutter pour la défense des institutions établies. Et puis, bien des gens hésitaient à se compromettre: le terrible marquis était de taille à soulever toute la province et on craignait de se déclarer ouvertement l’adversaire d’un si puissant chef de parti.

Au nombre des fonctionnaires partisans de ce prudent opportunisme était Thomas dit Lalande, maire de la commune de Saint-Ouen-de-la-Rouërie. Il avait encouru la colère de son turbulent administré en faisant détruire, — ainsi que l’ordonnait le décret sur les armoiries, — les urnes écussonnées qui, sur le pourtour de l’église du village, conte-

1. « Les Tuffin avaient leur sépulture dans l'église paroissiale de Saint-Ouen depuis le xu* siècle avec leurs armes en lisière autour du petit temple. » Peigné, Antrain el ses Environs.