Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

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fiant qui les enivra. On citait comme admirable ce trait des Américains, faisant fondre la statue de bronze de Georges III pour en fabriquer des canons; on s’extasiait d’une cloche nouvellement placée dans la tour de Philadelphie, sur laquelle étaient gravés ces mots : J'annonce à la patrie la liberté 1. C'était de l'engouement plutôt qu'une adhésion müûrement réfléchie ; mais ces impressions superficielles passaient dans le peuple, qui les prenait au sérieux. Ah! si l'on avait su diriger celte noble ardeur ; si quelque homme de génie et d'action s'était trouvé pour tourner au profit de la France cet enthousiasme de la jeune noblesse, cette généreuse exubérance, ce besoin de dévouement el d'abnégation ! Mais, au lieu d’une ligne politique sagement étudiée, cet amour subit de la liberté n’était, chez ces gentilshommes, qu'un sport dont la vogue s’empara : on vit des officiers d'avenir solliciter du Ministre des congés illimités afin de rejoindre les insurgents; et, si la permission leur en était refusée, ils rendaient leur épée et s’embarquaient en dépit des ordres de leurs chefs.

Le marquis de la Rouërie fut des premiers à gagner le nouveau monde : il était en Amérique avant mème que Lafayette eût quitté la France. Il venait là chercher l'indépendance el les aven-

1. Correspondance secrèle, publiée par M. de Lescure.