Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

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vait leurs corps en lambeaux dans les broussailles! ; leurs malheurs et leurs vertus faisaient d'eux des martyrs, et la persécution réveillait les sentiments religieux en montrant avec évidence que le principe attaqué avec tant de rage était supérieur à la loi.

Les révolutionnaires n’opposaient à cette renaissance de la foi que la défroque ordinaire des tristes arguments avec lesquel ils ont coutume d'éclairer le peuple : aux mandements, aux lettres pastorales, ils répliquaient par des contes licencieux de moines et de religieuses, par des caricatures où les prêtres paraissaient tantôt sous des formes ridicules, tantôt dans des postures indécentes. Si, dans les villes, les honnêtes gens se contentaient de détourner la tête devant de semblables exhihitions, cette misérable propagande indignait les habitants des campagnes, pour qui une telle polémique était une nouveauté sacrilège.

Ce n'est pas contre la Révolution que combattit pendant des années le peuple breton, c’est pour la liberté de ses croyances. J'ai sous les yeux un chiffon de papier jauni, froissé, taché de sang, trouvé dans la veste d’un chouan mort aux environs d’Antrain : cet infime document est d'une éloquence probante :

1. Louis Blanc, Histoire de la Révolulion, Liv. V, chap. vr.