Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
APPENDICE. 391
pu le cacher, car c’est le sentiment qui, fout de suite, saute aux yeux de qui que ce puisse être, de tous les côtés. Le curé de Saint-Paul disait en chaire, avant-hier, que s’il les voyait {ous punis, il en bénirait Dieu. On a voulu le reprendre, et Bonaparte l’a défendu; ... en a ëlé témoin. Cependant ce curé est royalisle, dit-on. Mais c’est surtout depuis la rentrée des émigrés que ce sentiment est devenu plus universel. Il vient de ce qu’on croit que les rois n’ont voulu qu'écraser la France et la dépecer, et qu'ils ont fait périr Louis XUI. Je vous dis là les folies de la canaille en plein; les gens élevés enragent de les voir se prostituer à Bonaparte et les obliger par là à se prostituer toujours davantage. Berthier me disait à moi-même, il n'y à pas un mois, à Auteuil, au jardin Boufflers, en convenant des vraies folies de Bonaparte, qu'il n’approuve pas : « Madame, nous sommes bien heureux qu'il ne se soit pas déifié, car, s’il l'eût fait, ces misérables rois l’auraient si vite adoré que nous aurions été forcés, vous et moi, d'en faire autant à Paris. » Il m'a raconté des traits à faire vomir de l'Autriche et de la Prusse, et il m'a donné sa parole d'honneur de venir diner chez moi avec Cresnay qu'il connaît et qui passe sa vie chez moi, et de me faire voir les lettres de Paul et de l’empereur Alexandre, surtout de Paul I, les plus extraordinaires qui aient jamais étè écrites. Berthier, l'ami, le compagnon de Bonaparte, qui pour rien ne voudrait le perdre, le trouve ridicule et s'en désespère, mais il dit qu'il n'oserait pas faire tout ce qu'il fait, s’il n’y était encouragé par le roi de Prusse et l’empereur d'Allemagne, dont les deux ministres à Paris sont les plus bas possible, et celui de Prusse, avec plus de moyens, poussant toujours Bonaparte; que Markoff, il l'a vu aussi bas que les deux autres, et qu'il est odieux de les voir ensuite se gendarmer quand ils l'ont rendu fou des folies qu'il leur fait.
Berthier n’est pas homme d'esprit, mais de bon sens, du meilleur ton de politesse, doux quand il n'est pas aigri; mais, dans ce moment, il m’a paru aigri et m'a dit : « Je donne-