Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

42 CHAPITRE PREMIER.

aucun service qu’il ne lui rende sans être trop sévère avec lui. Qui n’a pas eu besoin d’indulgence en ces temps de délire (1)? »

Au moment de sa plus grande prospérité, d’Antraigues avait des revenus consistant presque entièrement en redevances féodales (2). Il jouissait de 40,000 livres de rente au plus, et vivait sous le poids de dettes de famille s’élevant au delà de 300,000 livres. Dans le testament qu'il rédigea en 1782, après avoir attribué à sa mère la légitime d'usage et institué sa sœur pour héritière universelle, il n’oubliait aucun des legs diclés par les convenuances de sa situation, la reconnaissance et l'humanité. Il distribuait près de 24,000 livres aux pauvres de ses paroisses et à l’église de la Bastide, et accordait des pensions viagères à tous ses serviteurs, depuis l’homme d’affaires jusqu'au valet de chambre, sans oublier « Marianne André, fille à feu Jean André et à Marie Jeanny, née à Freycenet (3) ».

Ce testament, œuvre sans doute d’un jour de maladie et de mélancolie, ne devait pas être mis à exécution, et cette carrière, que d’Antraigues jugeait déjà close, commençait seulement à s'ouvrir pour lui, aux approches d'une révolution générale.

Non loin de lui, dans une bicoque seigneuriale d'Au-

(1) D'Antraigues à sa mère, 1% février 180%. (B. D.)

(2) D’Antraigues fils écrit à Tessier : « Dans un vieux calepin de mon père écrit de sa main je trouve article par article que son revenu de 1750 à 1790 s’élevait annuellement à 38,068 francs. » Dans cette somme, dont suit le détail, les redevances seigneuriales entrent pour 27,750 francs. (Lettre du 10 septembre 182%. Comm. par M. Doize.)

(3) Ce testament est la quatrième des Pièces justificatives de la Notice sur d'Antraigues, publiée par M. Vaschalde. Privas, Roure, 1882, in-8°, 70 pages.