Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

222 CATHERINE 11 ET LA RÉVOLUTION

autant de zèle que Pierre-le-Grand en avait mis en apparence à se faire occidental. Mais son âme était restée allemande ; l’âme russe, inquiète et mystique, lui était étrangère. Ainsi elle lit Polybe quand elle entend le canon suédois qui ébranle les vitres de son palais de Tsarskoé-Sélo; et elle traverse les crises les plus graves sans que celles-ci altèrent en rien la nature gaie et sereine de son être. La cerise révolutionnaire l’émeut davantage; mais plus d'une fois son émotion est voulue. Ses invectives contre les révolutionnaires sont souvent spontanées et sincères ; d’autres fois elles sont réfléchies ; elles ont pour but de lui éviter l’envoi de ses soldats sur le Rhin. Les mots, chez elle, tiennent la place des actes. La Coalition, les Emigrés elle les renvoie dos à dos, avec des promesses. Pendant ce temps l'affaire Polonaise se déroule, se complique et se dénoue... à son profit...

C'est ainsi que malgré les abus qui marquèrent la fin de son règne, à un moment où sa volonté et son énergie avaient faibli sous le poids de l’âge, elle put laisser « la Russie transformée et prospère. » (1) Cest ainsi que tandis que la vieille Europe se régénérait sous le souffle nouveau de la Révolution, la Russie s’appropriait les traditions de conquête de l'Ancien régime, se faisait vieille Europe et s'arrondissait aux dépens de ses voisins.

Il a été dit que les passions faisaient de Catherine II un beau monstre ; soit. Mais il pourra être toujours répondu qu’elle fut surtout un beau caractère, Le bon

(1) M. Albert Sorel,