Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

NECKER, MIRABEAU, SÉNAC DE MEILHAN 341

Grimm, qu’elle n’a plus foi qu’en la force des armes pour sauvegarder le trône de France.

Au fond, ses préoccupations pour la France sont très platoniques; elle redoute surtout que le contre-coup des évènements de France n’atteigne Pétersbourg. Elle exagère, il est vrai, la peur que lui fait la France révolutionnaire :; elle l'exagère à plaisir afin de la communiquer à ses voisins. Elle s’écrie que les Turcs seuls tireront profit en Europe de la contagion révolutionnaire, et c’est elle, nous l'avons vu, qui veut en tirer profit en Pologne. Grimm lui a écrit en 4790 : «Si le délire de « la France n’est pas comprimé et ne cesse prompte« ment, il pourra être plus ou moins fatal au noyau de « l'Europe, parce qu’il est impossible que l’air pesti« lentiel ne ravage et ne détruise en proche. » Grimm déclare, il est vrai, que « l'aigle de la Russie est hors de l'atteinte du délire Gaulois », el Catherine, malgré ses craintes vagues, Se laisse rassurer. Pas plus que Louis XVI, elle ne devine la Révolution transformant les idées du monde entier : elle aperçoit seulement, et dans des nuages lointains, une révolte terrible qui pourrait ébranler les trônes. Sénac de Meilhan, qui voit les choses de plus bas, c’est-à-dire de plus près, aurait pu avoir plus de pénétration d'esprit ;se piquant d'être moraliste et homme politique, il aurait dù donner des preuves de sa perspicacité, comme de sa moralité. Nous savons qu'il n'eut pas le moindre instinct de ce qu'était et de ce que devait être la Révolution. Mais Sénac de Meilhan n’a pas à entrer dans les préoccupations de la Tsarine, aussi son mémoire sur la France en-