Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents
PRÉFACE V
grains dans celte France que travaille la disette. Mais voilà tout ce qu’elle fait pour la « cause sacré des rois » ; et pendant que les Prussiens vont se casser la tête à Valmy et les Autrichiens à Jemmapes, elle pousse ses armées sur la Vistule et sur le Danube.
Le désaccord entre ses paroles et ses actes ne tarde pas à frapper les plus prévenus en sa faveur. L’Autriche sent qu’elle a aussi des intérêts sur le Danube et sur la Vistule ; la Prusse comprend que, pendant qu’elle essaie vainement d'entamer la France, il y a quelqu'un qui va prendre sa place à Varsovie. Au lieu de regarder droit devant elles, face à l'ennemi des trônes, il leur faut retourner la tête pour voir ce que fait derrière elles l’impératrice autocrate. Le roi de Prusse se ravise le premier, dédouble l'armée employée contre la France, et en fait repartir la moitié vers la Vistule. L'Autriche,qui s’est engagée plus à fond contre nous, expie sa crédulité en n’obtenant rien au second partage de la Pologne. Dans les armées de la coalition on continue à répéter que le rendez-vous est à Paris; mais si Paris est sur toutes les lèvres, c'est Varsovie qui est dans toutes les têtes. .
La tsarine s’irrite de voir ses calculs devinés. Elle en arrive presque à être de bonne foi, quand elle aceuse de tiédeur et de défection les souverains coalisés. Ses objurgations officielles aux « croisés » ayant perdu toute force, elle s’avise du moyen le plus singulier pour stimuler leur amour-propre. Comme elle a chez elle un Cabinet noir où elle fait ouvrir les lettres qui ne lui sont pas destinées, elle pense bien que le roi de Prusse agit
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