Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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« Dans les marais du Languedoc et du Roussillon il se forme naturellement plus de sel que l’Europe n’en pourrait consommer et pour empêcher qu’on en prenne, il y à des brigades et des bureaux établis le long de ces marais et les pauvres habitants qui les bordent, ayant du sel en abondance à leurs pieds, sont comme Tantale au milieu des eaux. On soudoie des milices pour leur en ravir l’usage, et on va à cinquante lieues en chercher qu'on leur fait payer 6 à 7 sous la livre. Et c’est au nom du Roi que ces horreurs se passent... Vous serez peut-être surpris, monsieur, de ce que je m’anime tant contre un pareil désordre. J’en ai été frappé dès ma jeunesse; j'ai consacré entièrement mes jours à en suivre les extorsions et je n’ai cessé, depuis plus de quarante ans, d'être dans les champs pour calculer les moyens que Dieu a donnés aux hommes pour se procurer la vie et toutes les entraves que les gouvernements y mettent! ... Surtout en France, que de forfaits inouïs j'ai vu commettre par les gabelles ! Il faut en avoir été témoin, comme moi, sur les confins de la Bretagne et de l’Anjou, pour sentir aussi vivement de telles atrocités ... J’ai fait pour la terre et son désordre plus de millions de calculs que Newton n’en a jamais fait pour l’ordre du ciel... Je dépose mes justes sentiments, dans votre sein fraternel ; que ne puis-je vous en pénétrer ? J'irais vous serrer dans mes bras comme le sauveur du monde...»

Dans une lettre à Dupont (de Nemours), du 7 septembre 1789, Butré revient sur cet impôt de la gabelle, à propos d’une dénonciation faite contre certains Versaillais à l’Assemblée nationale. «Je suis étonné, dit-il, que les peuples, au lieu d'aller ruiner et piller les châteaux, sur lesquels ils n’ont aucun droit, n’emploient pas leurs forces pour se procurer les denrées que le ciel leur a données... Oui, les hommes dans toute l'Europe devraient s’armer pour détruire le brigandage fiscal qui a fait de si grands maux sur la terre et y exerce de si affreuses horreurs. C’est la seule guerre juste, puisque les