Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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pour tous. Je crois même dangereux d’accoutumer un grand peuple à attendre tout du gouvernement ; il n’est que trop porté à lui tout attribuer. Je crois enfin que notre première loi, qui nous fait tous frères, fils d’un même père, membres d’un même corps, l'Humanité, temples d’un même esprit, la Concorde, est ce qu’on doit appeler la saine politique et qu’elle est obligatoire devant Dieu pour qui la connaît, dans le respect absolu de toute propriété. . ... »

On sent tout le découragement de Butré dans la lettre qu’il lui écrit de Carilsruhe, Le 9 février 1779. Il en est à penser que le seul véritable fruit de ses grands travaux, Ce sera d’avoir complété son instruction particulière sur tout ce qui à trait à la condition naturelle des agriculteurs ; tout au plus aura-t-il « planté des bases d'ordre qui ne se perdront jamais ». Mais il ajoute, d’un ton qu’on devine amer : « Mais, pour autre chose, vous parlez d’or lorsque vous dites : quand les volontés sont faibles et versatiles, il ne faut pas espérer les grands chansements, quelque utiles qu’ils puissent visiblement être. »

Rien d'étonnant à ce que l'ennui, le besoin de se distraire, lui ont fait consacrer en ces temps de longues heures à l'étude des maîtres hermétiques, et qu’Artephius, Nicolas Flamel, Abraham le Juif, et autres écrivains de ce genre, aient captivé son attention. « Je lis sans cesse les maîtres pour m’instruire et il y a peu de jours où je n’y emploie deux heures ; Je suis résigné à la volonté du Ciel et s’il veut que je parvienne à l'Œuvre, sûrement il m’en procurera les moyens. » Nous épargnons au lecteur le détail de la plupart de ces écrits. A l'exception du très petit nombre d’esprits qui s’occupent par goût ou par devoir érudit de ces bizarres observations et de

* Lettre à un inconnu, du 15 février 1779. C’est dans cette lettre qu’il parle pour la première fois de lPAlsace, racontant en passant qu’un « Esculape dans les Vosges », qu’il avait consulté sur les roches fusibles, lui à parlé de l'extraction du mercure, point délicat de l’Œuvre.