Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

SRE

question ; puis il le chargeait d’en propager le prospectus en Allemagne, « où je me persuade, disait-il, qu’il sera bien accueilli ». Il lui recommandait en même temps de lui écrire toujours en termes voilés, «afin que nous ne puissions être entendus que de nous-mêmes »; son correspondant devra même brûler ses lettres, comme il jette lui-même au feu celles de Butré. La plupart des lettres de Clavier, conservées malgré cela par le baron, ne sont pas signées ; on y lit au bas: « Vous connaissez l'écriture.’ » Butré paraît avoir espéré vraiment, au moins durant quelques mois, trouver chez Clavier des lumières nouvelles sur la science, « dans le volumineux galimatias où les maîtres les ont noyées avec intention ». Mais il perd bientôt patience et le prend vis-à-vis de Clavier sur un ton qui n’est pas celui d’un néophyte parlant à son hiérophante. Clavier à son tour lui reproche de ne pas lire avec attention ses précieux manuscrits ; il lui insinue tour à tour qu’il serait peut-être « plus avantageux à sa tranquillité d'ignorer que de savoir » où il lui écrit cavalièrement : « Vos parleurs ne peuvent juger de ce qu'ils ne connaissent pas, et il leur sied mal de décider de ma capacité, de ma disposition et des moyens qu’il conviendra d’employer.? »

Ce qui, dans cette correspondance avec Clavier nous intéresse le plus ici, c’est qu’elle nous révèle les attaches naissantes de Butré avec l’Alsace. Nous y voyons que le gentilhomme tourangeau se propose de passer l'hiver de 1779 à 1780 dans cette province, ce qui marque un certain détachement de sa Sphère badoise, ou plutôt une curiosité bien vive pour les mystères du magnétisme et autres, qui faisaient alors fureur

' Lettres de Clavier, de Paris, 15 avril, 12 juillet, 8 novembre, 14 décembre 1779.

* Lettres de Clavier du 14 décembre 1779, 15 février, 20 octobre 1780. On apprend par une lettre d’affaires des plus officielles et froides,

datée du 18 novembre 1782, que Clavier avait cessé ses relations avec Butré dès 1780.