Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

Ps

amusant d’exhiber du dossier de la Bibliothèque de l'Université, les lettres suppliantes de certaines grandes dames alsaciennes, demandant en grâce à être reçues dans le sanctuaire du nouvel Esculape. On verrait M“ de Bœcklin, née de Rœder; M” de Reich, née de Bœcklin; M"° la baronne Charlotte de Bæcklin, de Rust; M"° de Sœttern, née de Dürckheim; M"° de Gérard, pétitionner, l’une après l’autre, pour obtenir leur admission, en s’engageant «sur leur parole d'honneur, à la discrétion la plus absolue ». Les officiers en garnison à Strasbourg, surtout les plus jeunes, se font également inscrire en masse ou réclament au moins leur admission, pris d’un beau zèle pour « l'humanité souffrante ».! En réalité, sans doute, ils tenaient avant tout à entrer en rapports plus intimes avec cette partie de la population féminine de la cité, qui demandait le soulagement de ses maux, réels ou imaginaires, à des crises fréquentes, et que les adeptes les plus riches en fluide magnétique étaient désignés pour traiter, soit en séance publique, soit dans des séances particulières? On ne peut s'empêcher de sourire (tant la nature humaine est encline à croire au mal) en voyant, par exemple, M. le notairejuré Mayer solliciter sa réception, « par rapport à sa femme », et annoncer bientôt après que M. le chevalier de Mareuilly a bien voulu se charger du traitement de son épouse. Nonseulement tous ces dignes gentilshommes alsaciens, M. de Lützelbourg, M. de Berstett, M. de Berckheïm, de Schoppen-

de cet état de curiosité inquiète et de surexcitation nerveuse dans laquelle vivait la société d’alors à la veille de la Révolution.

* Ils appartenaient surtout aux régiments de Perche et de Berry.

? Les demandes d'admission de tous ces officiers sont généralement rédigées d’après un même formulaire; l’idée « de venir en aide à l’humanité souffrante » s’y répète de la façon la plus monotone. On peut se faire une idée de leur activité en lisant le volume : Extraits des journaux d'un magnétisewr, cité tout à l'heure. Quelques-uns des noms les plus connus de la noblesse française se rencontrent au bas de ces pétitions, mêlés à une foule de noms obscurs.