Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

106 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

législation et de sûreté générale, un projet de loi sur les cultes, à la séance du 3 ventôse an [IT (21 février 1795): « Citoyens, « dit-il, le culte a été banni du gouvernement, il n’y rentrera « plus. Vos maximes doivent être à son égard celles d’une « tolérance éclairée, mais aussi d’une indépendance parfaite. « L'empire de l'opinion est assez vaste pour que chacun « puisse y habiter en paix. Le cœur de l’homme est un asile « sacré, où l'œil du gouvernement ne doit pas descendre. » Ce discours emporta le vote de la loi du 3 ventôse an HIT (21 février 1795), qui reprenait la solution « américaine » préconisée par Chénier et Cambon. Les deux premiers articles posaient nettement le principe de la séparation de l'État et des Églises : « L'exercice d'aucun culte ne peut être troublé », disait cette loi. « La République n’en salarie aucun » ; et le dernier article menaçait des peines édictées par la loi du 1922 juillet 1791, quiconque troublerait les cérémonies d’un culte ou en outragerait les objets. La loi ne reconnaissait les ministres d'aucun culte, nul d’entre eux ne pouvait paraitre avec des habits ou vêtements sacerdotaux. De même, pour éviter tout conflit entre les opinions diverses, elle interdisait toute cérémonie, tout port d’emblème ou convocation en dehors des lieux consacrés au culte et allait jusqu'à interdire tout signe ou inscription placé au dehors desdits édifices. Malgré ces précautions, qui nous paraissent excessives et ne peuvent s'expliquer que par l'irritation des partis, cette loi marquait, en somme, un sérieux retour vers la liberté de conscience ; elle fut confirmée d’ailleurs par la Constitution de l'an HI! et complétée par la loi du 2 prairial (30 mai). Cette loi, votée sur la proposition de Lanjuinais, abandonnait aux communes les églises dont elles étaient en possession et laissait aux municipalités le soin de régler les heures des services, lorsqu'il n'y avait qu'une église pour des cultes différents. La seule condition imposée aux prêtres pour exercer 1. Art. 192. Nul ne peut être empèché, en se conformant aux lois,

d'exercer le culte qu'il a choisi. Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte. La République n’en salarie aucun.