L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes
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fils de Charles de Durazzo, couronné roi de Croatie, a vendu la Delmatie pour 100.000 ducats à Venise, certains ialianissimes exigent non seulement la Dalmatie, mais encore la totalité, ou tout au moins une partie importante, de la côte orientale de l’Adriatique. Venise a possédé aussi Corfou, Céphalonie, Zante èt même Coron et Madon tout au bout du Péloponèse, sans parler encore de la Crète et autres lieux. On voit que, s’il s’agissait de reconstituer la puissance de Venise, il faudrait aller un peu loin. Assurément, la Dalmatie resta en possession des Vénitiens du quinzième et jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, et leur domination donna aux villes dalmates une physionomie italienne qui persiste encore. Mais les masses profondes de la population sont restées fidèles à la langue slave, ainsi que je le montrerai au chapitre des Serbo-Croates (1). En fait, tout le monde sait que la côte occidentale de l’Adriatique, de Trieste jusqu’à l'embouchure du Drin, n’a été peuplée, durant des siècles, que de Slaves. Slave par la langue, par les coutumes, par les traditions, par les aspirations, il est juste que toute cette région reste aux Slaves.
Comme le disait Mazzini, comme le disent journellement les véritables amis de l'Italie, « Le problème de l’ Adriatique ne peut être résolu utilement que par un. compromis ütalo-slave » dans lequel entrera certainement en ligne de compte la question de la langue parlée. Les hommes d'État italiens sont trop clairvoyants et trop avertis pour ne pas savoir qu'ils ont dans Îles Balkans un marché économique entièrement ouvert à leur activité. Ils savent que, loin d’avoir rien à craindre des Slaves du Sud, ils trouveront tout avantage dans une entente équitable et cordiale avec eux. Ils savent que la Serbie, par exemple, pays essentiellement agricole et qui le restera, a besoin d’un débouché maritime, non pour se ruiner en dépenses navales, mais simplement par nécessité d'échapper à l’étouffement économique où elle est placée. Il n’y aura donc pas d’antagonisme entre l'Italie et les Serbo-Croates, mais bien des rapports économiques mutuels où leurs intérêts se compléteront et s’équilibreront à la satisfaction des deux partis.
Dans un très remarquable article sur l’équilibre adriatique, M. Charles Loiseau dit (2) que l’équilibre méditerranéen et l’équilibre adriatique sont les deux pôles entre lesquels évolue la politique de l’Ttalie depuis quarante ans. L'équilibre méditerranéen a été réglé par des conventions passées entre le Gouvernement de Rome, la France, l'Angleterre et l'Espagne, ef mieux que réglé, puisqu'il a été consacré par l'occupation de la Tripolitaine. L’équilibre adriatique ne l’est pas encore, et la caractéristique de la situation présente, c’est qu’il dépend surtout de l’Italie qu’il le soit. La formule, c’est celle de Mazzini : les Balkans aux Balkaniques, à la condition de n’en pas exclure le littoral! Que ces ports de San Giovani di Medua, Durazzo, Valona, qui ne peuvent appartenir ni à l'Autriche ni à l'Italie, deviennent celui-ci grec et ceux-là serbes. N’est-il pas de l'intérêt de tous que les clefs du canal d’Otrante soient remises à de petites nationalités qui ne seront jamais ni en disposition, ni en situation d’en mésuser. C’est le seul moyen qu’il n’y aït plus désormais, en Europe, de mer moins litigieuse que l’Adriatique, lorsque personne ne
(1) À Zara même, l'italien n’est parlé que par 14% de la population. (2) Reoue de Paris, 187 décembre 1912.