L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes
partage située entre la vallée de la Drave et celle de la Mur. On verra plus loin les limites exactes des Slovènes et des autres populations slaves, d’après le dénombrement de 1910.
Les diversités de climat sont aussi grandes que celles du sol, dans l’étroit et long territoire de la Yougo-Slavie se développant de l’ouest à l’est, sur un espace de plus de 450 kilomètres. D’un côté, les pentes froides des Alpes et l’âpre plateau liburnien. De l’autre côté, les régions de la Basse-Save et du Danube, cette humide Mésopotamie sirmienne où s’amassent les eaux descendues des hauteurs. Elle semble destinée à devenir une des régions agricoles les plus riches de l’Europe. Malgré ces différences si considérables indiquant des régions de climat tout à fait distinctes, l’homme de la Yougo-Slavie est un par la race. En franchissant la Save au sud de la Hongrie, on sort du chaos des peuples et des langues pour entrer dans un pays dont les habitants sont presque tous frères d’origine et où les passages de dialectes à dialectes se font par transitions insensibles.
Les Yougo-Slaves parlent, en général, ou tout au moins comprennent la langue serbe. Langue partout identique, homogène, comme le sont fort peu de langues en Europe. Des rivages de l’Istrie jusque très loin dans la Macédoine, les paysans peuvent se comprendre entre eux. En outre, c’est un fait connu des Slavistes et des linguistes que, de toutes les langues de la Péninsule, c’est celle du peuple serbe qui est la plus perfectionnée et possède au plus haut degré les qualités littéraires. C’est le dialecte de l’Herzégovine qui a été adopté par le fondateur de la littérature serbe moderne, Vouk St. Karadjitch. Malgré quelques différences régionales inévitables, les principaux caractères intellectuels ou moraux du peuple sont partout identiques. Cela apparaît dans les motifs d’ornementation, la manière dont les maisons sont construites et les outils façonnés: dans la façon d’envisager la vie, enfin dans cet ensemble de sentiments, de superstitions et de légendes par lesquels un peuple s’explique le monde et la vie. Sous ce rapport, la Bosnie-Herzégovine forme un tout indivisible avec les populations de la Serbie Occidentale, du Sandjak de Novi-Bazar et du Monténégro, les plus représentatives de la race: Quand on va des montagnes du Monténégro en Herzégovine, on ne remarque absolument aucune différence dans la population; il en est de même, lorsque, des parties limitrophes de la Serbie, on passe en Bosnie ou dans le sandjak de Novi-Bazar. Presque toute la population de l’ouest de la Serbie est originaire de la Bosnie, de l’Herzégovine et du sandjak de Novi-Bazar.
La Yougo-Slavie ne constitue donc pas une entité ethnographique arbitraire et artificielle imaginée pour les besoins du moment. Élisée Reclus écrivait déjà en 1878 : « Quoique divisés par la politique, tous les pays slaves de CGisleithanie, de Transleithanie, d’outre-Save, n’en constituent pas moins d'avance et virtuellement, pour ainsi dire, une forte unité nationale avec laquelle doivent compter même ceux qui refusent de la reconnaître. Les événements projettent leur ombre devant eux et, bien que la Yougo-Slavie n’existe pas encore, on peut la voir se préparer depuis longtemps. Une fausse manœuvre diplomatique de la part des Autrichiens et des Hongrois, une imprudence quelconque peuvent hâter le changement d'équilibre et constituer enfin la nation yougoslave. »