"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)
conclusion.
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Ainsi n’eut-il pas un moment d’hésitation avant d’entrer dans le « mouvement » et de se déclarer, avec la plus entière bonne foi, solidaire de ceux qu’il raillera quelques années plus tard. Mais une certaine réserve tempère en lui les élans du lyrisme. Il a ceci de distinct de la seconde génération romantique, qu’il ne veut pas faire aussi impudemment étalage de son cœur. De plus, l’imagination créatrice lui fait défaut; s’il a le don d’interpréter d’une façon- saisissante certains traits qu’il trouve rapportés par d’autres d’une manière banale, il est presque incapable de rien concevoir par lui-même: il lui faut une matière où se prendre, quelque chose qui le frappe et qu’il puisse à loisir repenser à nouveau. Cette pauvreté d’invention, qui le contraint à demander sans cesse à autrui ce qui lui est nécessaire, développera en lui d’autres qualités qui tueront le poète au profit de l'observateur et de l’artiste. A l’inspiration il substituera le travail et la perfection de la forme, la rigoureuse exactitude d’un homme qui n’invente rien, mais qui se borne à saisir sur le vif les manifestations de la passion. Tout cela est déjà sensible dans la Guzla. Si son alliance avec le romantisme est sincère, elle n’est pas complète ; il n’en adopte que ce qui est conforme à son tempérament; il en approuve le cosmopolitisme qui permet une plus grande liberté dans le choix des sujets ; la manière plus vive et plus expressive aussi de les traiter, mais avec ce souci déjà évident de brider la fantaisie débordante pour la remplacer par la notation exacte et tout aussi pittoresque du détail authentique. En même temps qu’adepte, il est initiateur : après avoir manifesté en l’honneur du drame romantique et écrit le Théâtre de Clara Gazul, il voulut contribuer pour sa part à la rénovation de la poésie en lui