La patrie Serbe

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subirent trouvèrent le temps long. L'état-major bulgare reprima les excès de ses troupes: Le Tzar Ferdinand arriva, acclamé par ses soldats. Le Roi eut un joli geste. Il exprima le désir de connaître Choukri-Pacha et lui rendit son épée en le félicitant de son courage. La vie circula de nouveau dans les rues d'Andrinople tranquillisée. Les boutiques s'ouvrirent, le pain ne manqua pas complètement. La magnifique mosquée de Selim connut la disgràce du destin, car les éperons des cavaliers résonnaient sur son dallage. Les rayons du soleil printanier inondaient Andrinople, la lascive pri sonnière, mais la joie éclatant Sur elle était un mensonge. De nombreuses croix marquées au-dessus des portes imploraient ostensiblement la pitié des soldais ou indiquaient des choses innommables. Des façades rompues, des vitres brisées, des grillages descellés, des Volets défoncés racontaient des histoires de violences. Sournoises, les haines, les jalousies, accomplissaient un lent travail invisible. Un appétit de vie, de jouissance fermentait sous la protection des drapeaux bulgares: Devant les boutiques de fruits, de sucreries, passaient des prisonniers hâves ; brutalement on les conduisait Jà-bas. Vers le Nord, dans une ile. L'ile du désespoir. Cette ile, autrefois radieuse, appelle, depuis la prise d'Andrinople, la plume du Dante. Des saules et des peupliers agitaient au-dessus des ondes leur jeune feuillage. Cette calme sérénité, fraiche et douce, abritait des spectres qui jadis furent des hommes. A l'horizon, la blanche mosquée dressait vers le ciel la supplication de ses minarets. De son côté se tournaient les implorations des infortunés tués par la faim. L'élat-major bulgare ne sachant où mettre ses prisonniers, les avait parqués là, et aucun ravitaillement ne parvenant plus à Andrinople on les laissait périr. Dans la ville brillante dont

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