La Révolution française (1789-1815)

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Championnet, fils naturel d’un M. Grant, de Valence, était, avant 1789, ce qu'on appelle un déclassé. Ce fut un privilège glorieux de la Révolution française de classer les natures éminentes que l’ancien régime ne savait pas utiliser. Elle classa Championnet en rapport avec sa nature, et elle le classa bien. On est frappé, en effet, en comparant la médiocrité profonde des généraux de l’ancien régime finissant avec la supériorité des généraux de la Révolution, de voir combien celle-ci sut faire surgir et utiliser ces forces latentes que notre France contenait en elle.

La vie de Championnet présente trois phases : la première, purement privée, précède 1789, nous n'avons pas à y insister; les deux autres phases constituent la vie publique proprement dite. La seconde, c'est sa vie militaire dans l’armée de Sambreet-Meuse, et la troisième, c’est sa participation obligatoire à la déplorable déviation italienne, due à l'initiative de Bonaparte, à la faiblesse du Directoire et au fol entrainement de la population. Nous allons présenter à ce sujet quelques considérations etune théorie sommaire des grands événements où Championnet a joué un rôle actif.

Député à la Fédération de 1790, il fut en 4792, lors de la formation des gardes nationales sédentaires, nommé adjudant général de celle de Romans. « C’est nous, disait-il, qui serons bientôt chargés de défendre la liberté de notre pays ; veillons sur nos armes, préparons-nous à de futurs combats. » Il se voua, dès lors, à la carrière militaire.

L'institution des gardes nationales, outre son rôle intérieur, fut une préparation à la levée en masse; elle habitua graduellement au principe que le service armé de la patrie est une conséquence de la participation à la vie politique. Les grandes choses se préparent d'une manière continue ; seulement, dans ces temps héroïques, la vitesse du mouvement était extrême. Après la révolution nécessaire du 10 août, un grand problème s’imposait : défendre la France contre l’invasion de ceux qui voulaient lui faire subir un partage analogue à celui de la Pologne. Dès l'avènement des républicains au pouvoir, après le 10 août, on sent.que des mains fermes et habiles tiennent les rênes. Danton, à la tête du pouvoir exécütif, du 10 août 1792 au mois d'octobre de la même année, imprime une impulsion toute nouvelle. Cette même armée,