La Serbie

Samedi 10 Août 1918 —

No 29

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moment: décisif derrière la couronne, n'est

pas? difficile X expliquer 7. point psychologique. Les hommes politiques que lem-

pereur recevait avaient uniquement des choses désagréables à dire au jeune monarque. Les Tchèques. el les Yougoslaves résentaient à l’empereur leurs demandes d'Etat, les Polonais poussaient à la solution de leur problème nalional, el feu Engelbert Pernerstofer, à l’occasion de son audience à la villa Wartholz, gesticulait devant l’empereur, son chapeau mou sur la tête et:s’écriait: « Majesté! Moi, en républicain honnêle, je ne vous dis que ceci: le temps des grâces de Dieu pour les ‘monarques a définitivement et pour toujours passé. » (On peut trouver des notices sur cet accueil dans les papiers du feu chef socialiste.) L'empereur s'intéresse sans doute à toutes ces difficultés politiques, mais äl faut comprendre qu'à la longue, il est fatigué d'entendre toujours des choses désagréables. Le docteur Seidler était, au contraire, l’homme qui montrait toujours un visage souriant, qui ne connaissait jamais, de.difficultés, el pour qui tout pouvait se régler tranquillement, clairemlent et sans obstacles.

Il est d’une facilité ‘élémentaire de se faire une idée claire — non seulement en Autriche, mais aussi dans lempire allemand allié de la véritable situation dans la monarchie. Une Autriche avec une épine- dorsale allemande et sous une direclion allemande, lAutriche même dont M. Seidler parlait tout récemment, est une utopie. On peut, si l'on veut, séparer les provinces allemandes et y pratiquer une politique purement allemande. Sinon; alors, l'Autriche future sera forcément 0bligée de devenir une fédération de peuples complètement égaux. La chute de Seidler, arrivée contre la volonté des Allemands nationalistes, et imposée par les Tchèques, les Polonais, les Yougoslaves et les socialistes allemands, a démontré limpossibilité absolue de sa politique d'orientation allemande. Il est impossible aujourd’hui de gouverner en Autriche contre la volonté de presque les deux ‘tiens de sa population. »

La « Frankfurter Zeitung » du 24 juillet écrit : :

« Comment introduire dans un pays de la couronne autrichienne une réforme repoussée de la façon la plus absolue par la principale nationalité de ce pays? C’est pourquoi il est difficile de voir quel profit M. von Seidler entendaïl tirer pour PEtat d'une telle mesure. Monsieur Seidler a jugé nécessaire d’insister dans son dernier discours sur le caractère allemand de l'Autriche. Comme Allemands, nous apprécions ceci, maïs malheureusement la déclaration du Dr Seidler y'a produit aucun effet pratique. Le pire n’est pas que les paroles de Seidler aient provoqué la colère des Slaves, mais que les Allemands n'aient pas été capables de maintenir au pouvoir un ministre-présidient qui leur étail

* aussi extraordinairement favorable.

Avec M. Seidler tombe seulement un homme et non pas un parti où un fsystème politique. Le gouvernement et la couronne ont battu (en retraite devant la volonté exprimée de la majorité du parlement qui ne voulait plus entendre parler de ce ministre. Maïs cette majorité ne peut gouverner. Un cabinet tchèco-yougoslave-social-démocrate est impossible pour des raisons qu’il n’est pas nécessaire d'indiquer spécialement. Quant aux Polonais on sera probablement obligé de leur accorder quelques concessions. .

Le parlement ne peut plus supporter

M. von Seidler, Bien, que maintenant M.

von Hussarek où quelque autre fonctionnaire s'efforce de faire tout ce qu'il peut. Dans une affaire où une autre, celui-ci fera

peut-être quelque chose de plus que son

prédécesseur; peut-être obtiendrat-il le vote de fonds pour quelques mois; mais il me pourra pas plus que ses prédécesseurs effectuer quelque chose de définitif et une réforme organique quelconque de lEtat. Une telle réforme — qui serait d’ailleurs des plus nécessaires — ne pourrait être effectuée qu'au cas où les peuples de lPAutriche se mettraient d'accord entre eux par l'entremise de leurs représentants. L’illusion qui régnait pendant les premières années de guerre que l’ordre public pourrait être octroyé d’en-haut, a disparu à

présent définitivement; d'autre part on ne

maman ms

pourra arriver à une entente ‘entre les * peuples de l'Autriche que Sk les Tehèques! et les Yougoslaves: abandonnent: leur ‘désir : de créer des Etats séparés, el ce désir ne disparaîtra que lorsque l'espoir en sa r'Éalisation aura ‘disparu.

Donc, le sort de l’A utriche sera décidé par le cours et l’issue de la guerre qui à, en somme, éclaté À cause d’elle Peut-être éslil bon de répéter ce vieux fait acquis, d'autant plus qu’il n°y a pas longtemps le comle Czernin caractérisait. partiale men t la grande guerre comme un duel entre l'Allemagne et l’Angleterre. Elle est quelque chose de plus que cela »

Le ministère Hussarek et les Slaves

Le ministre Hussarek a obtenu une faible

majorité au parlement, lors du vote-du budget provisoire pour six mois. Grâce aux Polonais on a sauvé encore une fois la fäçade, mais les représentants des peuples islaves n’ont pas manqué d'affirmer leur décision inébranlable d'obtenir l'indépendance politique. Nous donnons ici un résumé des discours prononcés au Reichisrat le 26 juillet, avant le vote du, budget.

Le dépulé Stanek déclare au nom de l’Union tchèque que l'attitude et la tactique des députés tchèques ne seront nullement influencés par le changement sur les bancs des ministres. Les députés du peuple tchèque basent leurs espérances uniquement sur la force victorieuse des idées de la justice, de la liberté et de l'indépendance des peuples. Le peuple tchèque et devenu grand et fort par ses propres forces, il s’est développé malgré les défaveurs et linimitié des gouvernements de Vienne. C’est pourquoi le peuple tchèque n’a nullement peur lorsque les gouvernements à courte vue s'imaginent leffrayer par les persécutions. À aucun moment de son histoire, le peuple tchèque ne fut aussi unanime, aussi prêt à combattre et aussi certain de la victoire.

Le peuple tchèque tout entier est uni dans sa volonté inébranlable de ne subir jamais plus un joug étranger et des couleurs étrangères. La conscience nationale tchèque très développée et un sentiment d'indépendance très fort justifient laspiration des Tchèques à atteindre ce que le peuple des Magyars a déjà réalisé. L'Etat. tchéco-slovaque est devenu un fait que l’on ne pourra plus éliminer, c'est ce que ces messieurs de Vienne et de Budapest ne devraient pas oublier. La politique magyare joue le va banque. Pour sauver sa domination étrangère sur qualre peuples de race non-magyare, le peuple magyare veut risquer l'indépendance même de 10 millions de ses congénères. Nous nous rendons bien compte qu'à lavenir nous serons des Etats voisins el c’est précisément pour cela que nous voulons rappeler la Hongrie à une juste considération de la situation réelle. La victoire de nos aspirations ne fait plus de doute pour personne. Pour les Magyars, il n’y a qu'une seule possibilité: rompre avec le passé et accepter dignement les résultats d’une évolution historique inévitable. Que les Magyars limitent leur pouvoir aux 9 ou 10 millions de leurs compatriotes. Un Etat magyar COMPOSÉ uniquement des ressortissants du peuple magyar ne sera menacé dans sa souveraineté et son indépendance par aucun Slave. Le peuple tchèque ne

voudra empêcher l’évolution d'aucun. autre peuple; au contraire, il mettra Loutes se lorces. à appuyer ceux qui à côté de lui ou, surtout avec lui, comme le lonl;ides frères yougoslaves et polonais, auront utté pour la victoire du même idéal et laj fréalisation d’un meilleur avenir. Que les Allemands continuent à 6e livrer 4 leurs vieilles illusions de pouvoir, eux qui ne’ Constituent qu'une minorité de 85 %, el veulent, avec l’appui des gouvernements passagers et par l'emploi des décrets, des octrois el des ordonnances, nous briser el nous dominer. Notre jour viendra également, le soleil de la liberté et de l'indépendance brillera un jour aussi pour nous. Les Allemands ne devraient pas le perdre de vue.

Le député Dr Tertil (Polonais): Le Club polonais déclare qu'il votera pour un budget provisoire de six mois ainsi que pour toutes les nécessités de lEtat. Ld Club. polonais le fait dans la conscience que le maintien de l'Elal est dans l'intérêt de la nation polonaise. Il le fait dans la conviction que le gouvernement nouveau obtiendra la confiance du Club polonais par le respect du droit, par la fidélité aux principes de justice, promis devant le parlement, et par la considération des demandes nationales, politiques et économiques. Cette conviction repose sur les assurances que le chef du gouvernement nous a données, et nous exprimons notre espoir que louies ces promesses seront accomplies.

Le docteur Korochec (Slovène) déclare au nom du Club ydugoslave: Le ministre-président actuel, le docteur Hussarek, nous est connu depuis le ministère Stürgkh quia apporté la guerre aux peuples d'Autriche et leur a fermé la bouche, ensuite, par le paragraphe 14 Si donc le ministreprésident se déclare aujourd'hui partisan du parlementarisme, nous pouvons lui répondre que nous avons bien entendu son message, mais que nous ne sommes pas disposés à lui prêter foi. Les Yougoslaves connaissent le nouveau ministre-président surtout par ce fait que lui et ses collègues, dans le ministère Stürgkh, avaient connaissance de toutes les persécutions subies par le. peuple yougoslave, at commencement de la guerre, et qu'ils n'ont rien fait pour les empêcher. De même, les autres membres du nouveau cabinet nous sont très connus. Ce sont, à deux exceptions près, les anciens membres du cabinet, Seidler, de ce cabinet qui a proclamé l'orientation allemande comme principe directeur de la politique autrichienne, et considéré le peuple allemand comme l'épine dorsale de l'Autriche. Pas‘un de ces ministres n’avait fait le plus petit effort

De protester contre de els principes. L'oratéur félicite de leur attitude a Diète de Croatie ainsi que celle des Serbes et Croates en Bosnie, en ‘ce qui touche à. l'idéé de l'unité naticnale-yougoslave. I &xprime sa conviction que le peuple uni des Slovènes, Croates .et Serbes réalisera sa propre vie étatique.

Le docteur Lewicki (Ukrainien) déclare, au nom des députés ukraïiniens: qu'ils ont toujours appuyé. de Loutes leurs forces le ministère précédent. Mais puisque le chef du gouvernement actuel est entré: dans une coopéralion politique avec les Polonais, les députés ukrainiens ne peuvent pas croire à la sincérité de sa déclaration d'aujourd'hui, prétendant vouloir protéger également tous les peuples de l'Autriche. Cest pourquoi les Ukrainiens voteront contre le budget provisoire et contre toutes les nécessités de l'Etat.

Le député Glombinski, leader des démocrates - nationaux polonais, : ä déclaré que son groupe voterail contre le budget. . M. Glumbinski a motivé son attitude en déclarant que, :-depuis le début de la. guerre, les gouvernements qui se sont succédés en Aulriche ont fait une politique franchement hostile au programme nalional des Polonais, lequel comporte lunification et l'indépendance de la Pologne. Cette hoslilité s'est manilestée en violani les droits garantis à la nalïon polonaise par la constitution de lAutriche, et en négligeant les aspirations légitimes de la Galicie.

Cette politique, hostile aux Polonais, n’a pas changé malgré toutes les protestations d'amitié et toutes les promesses faites aux Polonais par les représentants du gouvernement. Les Lorts faits aux Polonais ont au contraire été aggravés. C’est le sens du Traité de Brest en Lithuanie, spéciaJement dirigé contre eux. Aussi, le parti démocrate-national polonais se voil-il conlraint de s'opposer énergiquement à toul gouvernement, et il maintiendra celte aili[ude aussi longtemps que la politique extérieure et intérieure pratiquée contre les Polonais n'aura pas subi de changement.

Les promesses failes par certains membres des ministères successifs et même par les chefs de ces cabinets ne peuvent donner le change au parti démocrate-national, attendu que le chef du gouvernement actuel faisait partie du gouvernement qui, au début de. la guerre, à inauguré, d'accord avec les autorités militaires, le système néfaste d’hostilité envers les Polonais. Au sujet des déclarations du président du Conseil M. Glombinski remarque qu'avant de vouloir conclure une paix, basée sur lune entente réciproque, il faut savoir au préalable quelles sont les conditions à poser. L'ancien ministre des affaires étrangères, le comte Czernin, a déclaré qu'il ‘n'était pas informé des buts de guerre de PAIlemagne. Précédemment, le même ministre avait parlé d’une paix basée sur un accord et surtout, en ce qui concerne les Polonais, il avait promis aux ‘délégations que la question polonaise serait envisagée par le gouvernement autrichien dans le sens exprimé par M. ‘Wilson. Cependant, dans son dernier discours à la Chambre des Seigneurs, .il déclara qu'à 1son avis les: exigences des Polonais étaient excessives el qu'ils devaient en. rabattre.

Le parti démocrate-national polonais, fort de l’opinion publique polonaise, exige que Leis gouvernants de l'Autriche admettent sincèrement les principes de liberté et d’égalité des peuples ainsi que celui du droit des peuples de statuer sur leur sort.

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responsables dans l’armée, M. Stoyanovitch la prend pour le point de départ du progrès national: Une erreur aussi

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funeste a conduit beaucoup d'officiers à des égarements regrettables et elle ne devrait pas se répéler. Tout bon Serbe et patriote doit souhaiter que l'armée resle dans les limites de ses fonctions, laissant au peuple sans armes le souci des choses politiques. M. Stoyanovitch, écrivant un livre sur la Serbie, a eu tort de susciter, même involontairement, par des paroles inconsidérées, une discussion ‘inutile et: préjudiciable: 12 _ : . La seconde partie du livre qui traite des Slaves du Sud, en Autriche-Hongrie, des résultats psychologiques des victoires balkaniques serbes, du futur Etat serbe üu, yougoslave, est très suggestive -el mérite la plus grande altention. *

Le livre de M. Zébitch n’est pas un spécimen de {la littérature de guerre. Cest une étude économique sérieuse; un travail consciencieux qu'on ne saurail assez Treciomimonder à ceux qui s'intéressent à l'avenir politique et économique de la Serbie. Après avoir dépeint l'aspect général du sol serbe, rappelé Sa végétation. luxuriante, ses collines boisées et ses montagnes couvertes de Forêts épaisses, l’auteur insiste sur la diversité qui caractérisa la siluation générale du pays. « La Serbie est un pays de petile propriété où les villages Se succèdent, où l'on oit partout des vergers, des enclos, de petites flermis, des maisons dont les toits rouges apparaissent, l'été, au milieu de la verdure. » ‘Cest la ca ractéristique de la Serbie moderne, de celle iqui lentement, par ses propres lorces, réussit à s’émanciper du joug türc, au cours du XIXe (siècle. M. Zébitch rappelle: en. quelques mots, touies les difficultés auxquelles le petit pays se heurta avant

de se relever de la domination séculaire des Tures. Il parle en particulier de la législation agraire, qui porte l'empreinte démocratique par excellence el qui, même aujourd’hui, peut servir de modèle pour toutes les réformes

semblables. L'agriculture n'a jamais cessé de progresser

en Serbie et pour juger de sa valeur il ne suffit pas de regarder seulement la statistique de rendement des terres. Du point de vue social, le paysan serbe représente ‘une force particulière. IL n’était pas riche, mais la pauvreblé me de caractérisait pas mon plus, sauf dans certaines régions montagneuses. Pourtant, les richesses naturelles ne doivent pas endormir l’agriculteur serbe, et la remarque de M. Zebitch sur la nécessité d’un enseignement agricole plus moderne et d’une culture plus ral ionnelle des Lerres, sera généralement approuvée.

Pour justifier cette remarque; M. Zébitch à donné dans un chapitre spécial des indications plus substantielles sur l'agricullure serbe qui es comme on le sail, l’industrie-principale du pays. Après avoir examiné la Superficie de la terre cultivée et sa répartition, il sesl ‘arrêté à la question importante du maximum de rendement qui est loin d'être atteint. Ici l’auteur s'occupe de nombreuses questions qui paraissent secondaires, mais dont l'importance n'échappe pas à un observateur attentif. C’est d’abord l'institution de la grande famille — zadrouga qui rend possible une bonne coopéralion dans [à culture des terres et qui satisfait aux besoins de la main-d'œuvre. Ensuite, cest l'institution du Aome-stead serbe, la garantie légale contre toute aliénation, Volontaire ou forcée, des trois derniers hectares de terre labourable, pour une famille. Enfin ce sont des associations coopératives rurales dont le développement .a pris Ces années dernières un essor considérable et auxquelles eSÛ réservé; pour l’après-

guerre, un rôle des plus importants dans le relèvement économique du pays. } M Zébitch n'a pas oublié non (plus la question des grands domaines publics qu’il conseille d'utilsier plus efficacement. Ici nous nous rencontrons avec le problème agraire, dont la solution ‘juste et radicale sera une des premières tâches législatives de notre Etat futur. M. Zébitch ayant traité uniquement de l’agriculture serbe, n’a qu’in-

directement ‘touché à cetle question si importante. D'autre |

part il insiste sur les moyens modernes d’une exploitation rationnelle des terres et recommande d’urgence lPélaboration du cadastre et une bonne jorganisation des différentes formes du crédit agricole, surtout du crédit hypothécaire. Le chapitre suivant est consacré aux produits du sol serbe Celui qui lui ‘succède contient des observations d'ordre général sur Pétat actuel de Pagriculture et sur les possibilités d’une évolution plus progressive. Le dernier chapitre sur la démocralie serbe est très instructif. Il donne la vraie mesure dé l'esprit foncièrement démo cralique du peuple serbe, uné qualité qui est dautant plus à apprécier qu’elle se présente sous la forme eréatrice ct conservatrice en même temps, ce qui exclut, tout nalurellement, les idées confuses et destructrices des boil.chevikis russes où autres.

É l : Î IL M.

Ur ot or |

LYOUBOMIR A POPOVITCH, prêtre et ancien député de Béla-Cerkva, est décédé à Lyoubovia, en Serbie occupée, après avoir subi les supplices d’une déportation de deux ans dans’ les camps de concentration de Neszider, en Hongrie. |