La Serbie

LA SERBIE

No 43

Lundi.18 Novembre.1918 . —

mr eme dr PS RE SEP er YEN —

La déclaration de Genève

La conférence qui a eu lieu à Genève, à l'Hôtel National, entre les représentants du royaume de Serbie et les délégués du Conseil National de Zagreb, a publié, à la fin de ses travaux la déclaration suivante :

L’effort commun des peuples alliés et des Etats-Unis de lAmérique du Nord, là force du peuple des Serbes, Croates et Slovènes ont brisé, sur les champs de bataïlle ét sur mer, toutes les barrières brutales qui empêchaient lunification de notre peuple. Les représentants du Gouvernement du Royaume de Serbie el des groupes parlementaires de la Skou pchtina, les représentants du Conseil National de Zagreb et les représentants du Comité Yougoslave de Londres. réunis à Genève, ville de la liberté, sont heureux de pouvoir proclamer à l'unanimité, d'une façon solennelle et devant le monde entier leur union en un Etat formé des Serbes, Croalels et Slovènes. Le peuple du Monténégro, auquel nos bras sont fraternellement ouverts. ne tardera sans aoube pas à saluer et à s'associer à cette œuvre qui a toujours été son idéal le plus élevé.

Dès aujourd'hui, par cet acte, le nouvel Etat apparaît et se présente comme une unité étatique indivisible et comme membre de la Société àes nations libres. Les frontières qui existaient naguère n'existent plus.

Dans toutes les manifestations extérieures de droit, de puissance et de volonté, cette unité étatique sera représentée par le Ministère commun des Serbes, Croates et Slovènes par l'intermédiaire des organes créés spécialement à cet effet et dans le même esprit, La composition de ce gouvernement a déjà élé portée à la connaissance du public. Nous publieronis ultérieurement quel sera son domaine (cadre, champ d'action), car l'unanimité dont on a fait preuve en ce qu iconcerne le but et les méthodes à suivre, nous a frayé les chemins que doivent suivre les travaux communs généraux du miouvel Etat. NE NNETISRES

Le Gouvernemient du royaume de Serbie et le Conseil National de Zagreb continueront à diriger, chacun dans son cadre intérieur, juridique et territorial, ladministration telle qu’elle existe, jusqu'à ce que la Grande Assemblée Nationale des Serbes, Croates et Slovènes unis (la Constituante) soit élue au suffrage universel général, direct et secret, de tous les citoyens et jusqu'à ce que la Constitution ait prescrit définitivement l’organisation de VEtat. La vie d'Etat entière sera basée sur cette Constitution, qui sera la source et le refuge de tous les pouvoirs et de ltouisi les droits et cest elle qui aura à organiser dans un esprit démocratique tout le fonctionnement de la vie étatique.

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Les frontières de l'Etat vis-à-vis des Etats voisins seront tracées Conformément aux principes des nationalités, en respectant le droit des libres dispositions de chaque peuple. La confiance inébrantable et la foi de notre peuple dans son droit, le principe de justice proclamé par n95 alliés et accepté par la conscience universelle du monde cïvilisé sont autant de garanties de ce règlement.

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Serbes, Croates et Slovènes!

Notre rêve séculaire est aujourd'hui une réalité. Nous sommes unis dans la Jiberté. Glorifions les grandes journées du plus grand bonheur national et de l'immense joie et maintenons l'ordre. Là où il n'y à pas d'ordre, il n’y à pas d'Etat!

Ce n’est qu'un Etat fort qui puisse accomplir à temps les tâches qui assurent le bien-être des ciloyens et qui nuaissa accomplir ses devoirs sociaux et sa mission en se souciant du progrès général ae la société, de la protection des faïbles, des familles sinistrées et des invalides,

Respectons la mémoire de louis les combattants tombés pour la réalisation de notre idéal national et humain. Inclinons-nouis tous avec respect devant les exploits historiques de notre armée et transmettons aux générations futures nos sentiments de reconnaissance envers les nobles peuples alliés avec lesquels nous avons remporté la victoire de ce mionde,

Yougoslaves !

Que notre belle, chère et jeune Patrie vive dans l’honneur de la gloire parmi les autres peuples! ;

Le dernier piège magyar

Devant les dépouilles de l'Autriche définte, les Magyars oppresseurs et exploiteurs. sentant que la maladie qui à déterminé la mort de l'Autriche les gagne, font le suprême effort pour sauver l'intégrité de la « Hongrie millénaire ». Pour se présenter au monde comme des opprimés qui ont subi la domination de V'Autriche, ils proclament, avec grand fracas, l'indépendance de la Hongrie et la séparation de l'Autriche. Cet acte exécuté avec consentement du roi CHarle#, est commenté dans les journaux avec une frénésie toute artificielle, apparemment dans le but de se créer un mérite aux yeux des démocralies occidentales et de l'Amérique.

Le comte Karolyi, le plus grand des féodaux magyars, dans les habits de Philippe-Egalité, fait une « révolution », Avec le consentement du roi, révolutiéñ qui se dCéroule dans le meilleur ordre. Un Conseil’ National magyar Se constitue qui déverse une pluie de beautés démocratiques. Tout est promis, lout, pourvu que l'intégrité de la Hongrie soit épargnée. Les bons Magyars essaient de persuader de leur sincérité les peuples que la domination magyare a rendus farouches dans leur désir de liberté et leur promeltent lexécutict de la loi votée, maïs jamais expliquée, de 1868. En même temps, ils se hasardent, en répandant à profusion de fausses nouvelles, à présenter les peu-

ples comme contents de lse trouver aans”

les cadres de la Hongrie « fraternelle ». Ils se vantent d'avoir ouvert les écoles fermées et croïent que par ce fait, ülls ont déjà mérité de la démocratie et rendu possible une réconciliation.

Pauvres fantalsques, que l'ivresse patriotique rend incapables de lsaïsir da réalité! Sachant que la capilulation ne peut tarder — feu Tisza a avoué la défaite les Magyar se sont hâlés de la devancer de quelques jours afin de gagner des mérites et dapitoyer le vainqueur. D’ailleurs, ils le disent eux-mêmes dans lun radiogramme envoyé le 4 novembre: « Le gouvernement hongrois espère que le fait davoir déposé les armes priovioquera lune sensible amélioration dans la situation ünternationale de la Hongrie ». L’amélioration de la situation internationale veut dire: que l’Entente viclorieuse reste sourde aux vœux des peuples opprimés et acquiesce au désir des Magyars. Pourtant, la volonté des peuples manifeste suffisamment que, même la grâce de Karolyi, ne peut imposer le silence. Les Serbes et les Croates de la Hongrie du Sud ont adhéré avec unanimité au Conseil National de Zagreb. Ils ont déclaré qu'ils n'avaient rien de commun avec la Magyarie et qu'ils voulaient vivre dans le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Les chefs des Slovaques, libérés il ÿ à quelque temps des prisons, sont allés à Prague et ont annoncé le vœu du peuple slovaque de s'unir aux Tchèques. Les Roumains, constitués dans leur Conseil! Nat'onal, ont proclamé leur désir de disposerr d'eux-mêmes et de se séparer de la Hongrie. Même le plus triste et le plus malheureux des peuples de la Hongrie, les Petits-Russiens, ont témoigné leur désir de liberté, malgré les affirmations de loyauté signées par les préfels départementaux.

Devant cette phalange inébranlable, le comte Karolyi et ses aïdes font leffort suprême pour arrêter la décomposition de la Hongrie « unitaïre et mationale magyare ». C’est pourquoi ils tendent des regards désespérés vers Entente et font ressortir leurs mérites. Ils renient le passé — en quoi ils ont raïson d'ailleurs mais ne peuvent convaincre personne du droit des Magyars de dominer les autres. I serait ridicule et incompréhensible de passer l'éponge sur quatre ans de guerre, dans laquelle les Magyars ont eu la part la plus splendide à côté des Allemands. Une autre résolution semblable à celle qui s’est déroulée ne pouvait-elle amener demain les anciens politiciens sur la scène?

À ce propos, nous rappelons l’histoire récente de la Hongrie, dont M. Jaszi, un des ministres actuels, saurait dire quelque chiose. Avant la révolution hongroïse de 1848, Kossuth, le grand révolutionnaire, finissait souvent ses discours enflammés par ces paroles: « Dépêchons-nous, dépêchons-nous de magyariser les nationalités, autrement nous serons perdus! » Au moment de la révolution, ce même Kossuth, dont on acclame aujourd'hui l'idée libérale, refusait d’accorrder des libertés minimes aux peuples subjugués. Ce nest

qu'après l'écrasement de la Hongrie, dans |

l'exil. que Kossuth assagi et éveillé à la réaïité, pouvait mesurer la portée de 1565 fautes. C’est dans l'exil qu'il devint le grand apôtre des idées démocratiques. Ses artisans qui, après d'âpres luttes avec les Habsbourg, parviennent à gagner da . liberté de la Hongrie, rabattint déjà de ses idées en faisant la loi dite des nat onalités, qui ne devait jamais être appliquée. Mais même &6i toutes les promesses des Magyars nouvellement arrivés sur la scène, étaient réalisées, cela ne pourrraït avoir aucun altrait pour les peuples de la Hongrie. La liberté est un büen plus grand qu'aucune réforme magyare. L. P.

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Le «Times» du 4 novembre publie ün très intéressant rapport de son correspondant parti‘ulier, sur la situalion en Serbie du Sud :

” «Quant aux sentiments que la réoccupation de la Macédoine a éveillés parmi la population, j'ai l'impression générale, après mes conversations avec plusieurs habitants, que ce sont manifestement des sentiments de confiance et d’une satisfaction sobre et raisonnée.

En dehors de certains districts qui sont purement serbes, la population de cette région n'est ni serbe, ni bulgare, quoique la langue et les mœurs 8e rapprochent plus des Serbes que des Bulgares. Le peuple a eu l’occasion de connaître le régime de chacune de ces deux-nations qui veulent l'assimiler. La courte durée de l’administration serbe a trouvé son approbation malgré la propagande bulgare très intense, qui fut tolérée et même favorisée par le gouvernement turc. Les Bulgares, de l'autre côté, n'ont pas été si bêtes d’opprimer ce peuple comme ils l'ont fait dans les anciens territoires serbes. Ils ont fait tout leur possible pendant ces trois dernières années pour gagner le loyalisme du peuple ; mais la population était exposée, sous le régime bulgare, aux privations qu'elle n'avait jamais con” nues auparavant, etelle le reproche à la Bulgarie.

Je suis convaincu que les Macédoniens, dans leur ensemble, n’ont aucune prédilection pour l'un ou l’autre peuple, et qu'ils n'ont jamais aspiré à avoir une évolution nationale parliculière, mais qu'ils inclinent aujourd'hui d'une façon décisive et indubitable vers les Serbes, c'est évident pour tout observateur impartial. Ce qu'ils réclament tous maintenant, c’est la paix, l'abondance et un bon gouvernement.

Lorsque les Bulgares entrèrent dans la Macé-

doine serbe, leur premier acte fut d'anéantir tout

emblème et tout signe extérieur, qui pourraient rappeler la domination serbe. On aurait pu penser que les Serbes feraient maintenant de même. Mais les Serbes n'ont pas le temps de s'occuper de telles mesquineries. J'ai vu les portraits de Ferdinand répandus par douzaines, dans les offices publics et dans d'autres places, et le seul qui a été endommagé, ne l'a pas été par des mains serbes, mais par celles des soldats bulgares. La ville Skoplié, d'où j'écris ces lignes. est pleine d’auberges et de cafés portant les inscriptions de Sofia, Grande Bulgarie, Mackensen, Ferdinand, Boris, Kaiser Wilhelm, etc. Les autorités serbes ne s'occupent pas du tout de ces restes du triomphe passé de leurs ennemis, et loin de réélamer qu'ils soient enlevés, ils les regardent avec un amusement mêlé de mépris ». %

Le même journal anglais publie dans le numéro du 7 novembre d’autres détails sur l'avance des troupes serbes :

« L'esprit de l’armée serbe a surmonté toutes les difficultés. Lorsque les troupes victorieuses avancèrent profandément dans le pays, le maréchal Michitch donna l’ordre que les hommes habitants les maisons situées à proximité obtiennent un congé de siæ jours pour aller voir les familles dont ils n'avaient pas eu de nouvelles pendant plus de trois ans. Dans les deux directions perpendiculaires à la route suivie par les armées victorieuses en marche, les permissionnaires pareouraient dans la boue jusqu’à quarante milles par jour pour se rendre dans leurs petits villages cachés derrière les collines. Mais en trois jours, tous étaient déjà de retour. « Nous avons passé un jour seulement à la maison, disaient-ils aux officiers, et maintenant nous voulons délivrer les foyers de nos camarades. »

Parlant des traces du régime bulgare, le correspondant du « Times » relève les faits suivants:

« Il y a encore un grand nombre de soldats bulgares dans la ville, occupés à démonter leurs propres lignes télégraphiques et se promenant

artout sans aucune escorte. J'ai remarqué un soldat serbe qui leur donnait des cigarettes. II est intéressant de noter aussi le contraste entre les longues colonnes de prisonniers bulgarestravaillant sur les chaussées, tous pourous des différentes parties de leurs tentes, tous ayant l'air très bien, bien nourris et bien vêtus, et les spectres de squelettes des Serbes que j'ai ous il y a une semaine rentrer de Bulgarie où ils avaient | passé trois ans dans des camps de prisonniers exposés aux épreuves les plus cruelles. »

Comment les Bulgares expliquent leur « dernière » trahison

Le père Radoslavoif s'est rendu en Allemagne, mais son fils est toujours à Berne où il rédige la «Correspondance balkunique » — nommée ainsi pour éviter le titre un peu choquant de « Correspondance bulgare ». Parce que, effectivement, cette « Correspondance balkanique » est une édition officielle du bureau de presse bulgare, mais les Bulgares préfèrent la servir sous un manteau moins éclatant. Or cette « Correspondance balkanique » publie dans son numéro du 16 octobre une explication officieuse de la trahison bulgare, explication ingénieuse d’autre part parce qu’elle cherche à établir d'un côté que les Bulgares ont eu toujours des sympathies pour les Alliés et qu’ils n’ont fait la guerre contre eux qu'à regret; et de l’autre côté que la Bulgarie n’aurait jamais trahi l'Allemagne et l'Autriche si celles-ci avaient mis suffisamment de troupes à sa disposition. « C’est alors, mais alors seulement qu’elle prit la résolution de demander l'armistice ». La morale qui s'en dégage saute aux yeux. Ajoutons encore que l'explication bulgare contient, selon l'habitude, un mensonge vulgaire, dans le passage qui parle de l'entrée en guerre avec la Bulgarie. La « Correspondance bulgare » affirme que le gouvernement serbe avait voulu attaquer la « Bulgarie avant qu’elle se füt prononcée. Mis au courant des velléités du gouvernement serbe, le gouvernement bulgare d'alors lia partie avec les Empires centraux et la guerre entre la Serbie et la Bulgarie ne tarda pas à éclater ».

On voit que les Bulgares sont incorrigibles. La réputation qu'ils se sont acquise, ils tiennent à la conserver à tout prix.

Les Italiens à Riéka (Fiume)

Le « Fremdenblatt », du 2 novembre, publie à ce sujet la correspondance suivante de Zagreb: nt

« Les nouvelles des événements à Riska, où la population italienne a appelé la flotte italienne à l’aide contre Îles Croalels, ont

provoqué ici (à Zagreb) tune grande inquié-

tude. Les journaux insistent sur l’absolue nécessité de la réunion de Riéka ‘à l'Etat yougoslave et ils exigent que des mesures soient prises pour garantir le territoire national, Une délégation du Conseil National est déjà partie pour Rieka. On n'envisage pas une solution du différend par Ja force, étant donné que les cercles de Zagreb sont convaincus que l'attribution de Riéka à l'Etat yougoslave sera effectuée à la Conférence internationale de païx. Le Comité Yougoslave de Londres a déjà, il y à assez longtemps, reçu du gouvernement anglais une déclaration formelle en Ce senis. »

Rappelons encore que les Italiens sont entrés à Fiume contrairement aux (itipulations de l'armistice, qui n’a pas compris cette ville dans la zone d'évacuation. Les procédés italiens provoquent dans tous Îles milieux serbo-croates et slovènes les plus vives inquiétudes. ;

Les péchés austro-hongrois

L'« Arbeïter Zeitung» du 30 octobre, publie sous le titre «Dislocation de. l'Autriche», un article de tête dans lequel il précise quelles sont les causes ‘initiales du désastre de l'AutricheHongrie :

« Le Sabor croate a décidé aujourd'hui de déclarer les lois cnoato-hongroises du compromis de 1868 comme nulles et non valables et de proclamer les royaumes de Croatie, Slavonie ët Dalmatie absolument indépendants, tant de l'Autriche que de la Hongrie. Les fidèles d'entre les fidèles, les Croates, lont 6té donc Les premiers à proclamer dans une forme légale, par une décision de leur Sabor constitutionnel, la séparation d'avec la Monarchie. Il y a peu de semaines encore, Monsieur le Comte Tisza traversait la Croatie en. dictateur; il n'y a que peu de semaines que les Magyars discutaient le plan honteux de sépardn les départements slavons de la Croatie pour pouvoir être plus facilement magyarisés; il n'y à que peu de semaines que l'Autriche et la Hongrid se disputaient autour de la Bosnie £&t de la Dalmatie comme si la nation Yougoslave était une propriété, qu'ils pouvaient morceler À volonté et employer comme un objet d'échange ciommercial. Et voici que brusquement, fout cela a péri. Les Yougoslaves sont libres. Comme les troupes, en Croatie, sont avec le Conseil National, comme les armées de l'Enfente s'approchent de la-frontière slavone et comme Wilson. étenil Sa main protectrice sur la liberté des YougosJaves, la Hongrie ne peut se hasarder à com mencer la guerre contre la Croatie. La Hongrie a Jeté Ie trouble dans Je monde entier uniquement eu que les Serbes n'obtiennent pas l'accès À a mer, A présent la Hongrie elle-même perd Son accès à la mer, car avec la Croatie elle à Perdu aussi Ricka. La Hongrie et l'Autriche ont

gommencé la guerre pour assurer 1a essin de la Bosnie à amuhies Ps de perdront à la Monarchie; toutes les deux

résent bea $ représentait la Bosbels! À Fe qe