Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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attestent leur innocence, et crient : grâce! à la foule qui commence à s’'émouvoir.

Les commerçants de la rue Honoré se sont plaints qu’à l’heure où passait le funèbre cortège, le quartier " se faisait désert, les boutiques étaient vides. Le jour de la fête de l’Être-Suprême, sur la place de la Révolution, les huit bœufs qui traïînaient le char des Arts et Métiers refusaient d'avancer, offusqués par l’odeur du sang, dont la place était imprégnée, et le peuple s’est ému de cette lecon donnée à l’homme par la brute. L’échafaud menaçait de devenir impopulaire. Subitement, on l’a transporté à la place de la ci-devant Bastille; puis, sur de nouvelles plaintes, à la barrière du Trône renversé, aux confins de la ville, presque dans les champs. Les premières charrettes engagées dans le faubourg ont été accueillies par un silence morne, hostile, et depuis, sur leur passage, les fenêtres se ferment, les hommes s’éloïgnent, les femmes se cachent ! Pense qu’en cinquantesept jours le faubourg a vu passer plus de treize cents condamnés! et que le solde la place n’est plus que flaques de boue rougeâtre, qui, par ces chaleurs, empestent le quartier; si bien qu'il est question d’établir une conduite qui dégorgera dans la Seine tout le sang à venir, un ruisseau!

MARTIAL

Et, dans cette ville indignée, il ne s’est pas encore trouvé dix hommes de cœur pour se ruer sur l'échafaud? Pas un bon, pas un vrai républicain comme toi

-et moi n’a protesté pour sa cause que l’on déshonore et n’a crié à ce peuple abusé : Ça, la République! ça la Révolution! ça, la liberté! Maïs c’est le contraire ! mais c’est tout ce que nous exécrons dans le passé! et que nous voulons,impossible dans l’avenir! C’est la Saïnt-Barthélemy, les Dragonnades, l’Inqui-

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